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Abnormal Report
3 septembre 2017

Birmanie un génocide de plus pour que les texans volent du pétrole à des musulmans !

 

 

 

cham

Depuis des générations, les Birmans de Shweri Chai, petite île du golfe du Bengale, extraient seuls le pétrole d'une terre aride. Mais à l'heure où les groupes étrangers convoitent le potentiel énergétique du pays, ils craignent de voir cette manne s'évaporer.

La Birmanie est riche en gaz et en pétrole, exploités notamment par le français Total (associé à l'américain Chevron) et le malaisien Petronas, avec l'entreprise publique Myanmar Oil and Gaz Enterprise (MOGE).

Mais les ONG dénoncent le fait que les Birmans ne profitent pas de ces richesses.

«Avant, il y avait beaucoup de foreurs traditionnels dans la région, mais à cause des entreprises étrangères, il y en a beaucoup moins», raconte San Kyaw, 60 ans, qui vit à Shweri Chai, à six heures de bateau de Sittwe, capitale de l'Etat Rakhine (Ouest).

Le puit de pétrole de sa famille donne environ 35 litres par jour. Les hommes dorment à tour de rôle dans la cabane qui abrite la poulie grâce à laquelle remonte le liquide rougeâtre, gisant à près de 200 mètres de profondeur.

«Je préfère forer moi-même que de laisser ça à des étrangers», insiste San Kyaw en tirant sur son câble, cigare aux lèvres. «On fait ça depuis 300 ans».

C'est sans doute exagéré. Mais la Birmanie est bien l'un des plus anciens producteurs de pétrole, avec son premier baril exporté vers 1850. Un siècle et demi plus tard, dans un pays où la majorité n'a pas l'électricité, le village de pêcheurs de Shweri Chai est fier d'alimenter seul ses générateurs, après avoir passé au four son pétrole brut.

Mais tous les habitants de cette région frontalière du Bangladesh ne sont pas si bien lotis, relève Khaing Pyi Soe, secrétaire du Parti pour le développement des nationalités rakhines. «Nous voulons certains bénéfices de Shwe Gaz», plaide-t-il.

«Shwe Gaz» fait référence à un ensemble de projets controversés: l'exploitation de gaz au large de l'Etat Rakhine, la construction d'un gazoduc de 800 km pour acheminer ce gaz en Chine, et un oléoduc parallèle pour faire venir du pétrole d'Afrique et du Moyen-Orient.

L'entreprise d'Etat chinoise China National Petroleum Corporation (CNPC) est le partenaire majoritaire des deux pipelines, qui devraient transporter 10 à 13 millions de m3 de gaz et 22 millions de tonnes de pétrole par an à partir de 2013, selon son site internet.

Si CNPN assure que la Birmanie pourra utiliser le gazoduc «pour satisfaire les besoins locaux», les opposants au projet n'y croient pas. «Nous sommes victimes d'une sorte de colonialisme», martèle Khaing Kaung San, arborant un T-shirt «Notre gaz, notre avenir».

Shwe Gaz va générer 29 milliards de dollars sur 30 ans, selon un récent rapport de l'organisation locale Arakan Oil Watch (AOW). Mais la population voit aussi lui échapper l'argent des concessions de l'Etat.

Pétrole et gaz «ont généré d'énormes revenus, mais un manque de transparence et une mauvaise gestion de ces revenus ont laissé la Birmanie avec l'un des indicateurs de développement les pires du monde, créant une malédiction des ressources», dénonce AOW.

Il existe bien «certains espoirs» que le nouveau gouvernement «soit plus transparent» que ses prédécesseurs, tempère de son côté Sean Turnell, économiste à l'université Macquarie de Sydney. Mais «les craintes (de statu quo) sont bien réelles».

Une chose est sûre, l'énergie constituera une destination majeure pour les investissements étrangers des prochaines années, même si personne ne connaît exactement l'étendue des réserves dans un pays où l'exploration a à peine commencé.

Selon les chiffres de la CIA américaine, la Birmanie disposerait de 50 millions de barils de pétrole et de 283,2 milliards de m3 de gaz naturel, dont une grande partie offshore.

Le gouvernement attribue petit à petit ces blocs aux Sud-Coréens, Indiens, Chinois ou Thaïlandais, qui "refusent de publier combien et comment elles paient le régime militaire", fustige AOW.

Loin de ces considérations, les foreurs de Shweri Chai essaient de se faire oublier. «Avant, on remontait plus de 100 gallons (450 litres) par jour avec des dizaines de puits dans le village», explique San Kyaw. «Mais nous avons fermé des puits, pour que les entreprises étrangères ne viennent pas forer».

La voie vers la démocratie est un long chemin semé d'embûches. Les musulmans de Birmanie en font l'amère expérience depuis deux ans. Quartiers éventrés, mosquées parties en fumée, et corps calcinés gisant à même le sol..., cette minorité, qui représente 4 % des 55 millions de Birmans, est de nouveau victime de véritables pogroms perpétrés par la population bouddhiste. Quarante personnes ont été tuées la semaine dernière et plus de 12 000 déplacées dans la ville de Meiktila dans le centre du pays, forçant l'armée à instaurer l'état d'urgence. Les violences ont depuis gagné d'autres villages et se rapprochent désormais dangereusement de l'ancienne capitale, Rangoun. 

À l'origine, une simple querelle entre un vendeur musulman et des clients bouddhistes, qui a dégénéré en affrontements. Pendant trois jours, des groupes d'émeutiers ont détruit tout ce qu'il y avait de musulman sur leur passage, transformant la ville de Meiktila en véritable coupe-gorge. "Ces groupes de civils bouddhistes ont été fanatisés par une minorité de moines extrémistes", explique au Point.fr Maël Raynaud, analyste indépendant spécialiste de la Birmanie. "Ces religieux tirent parti du profond racisme existant au sein de la société birmane."

Autocollants de la honte

Contacté sur place par Le Point.fr, un chercheur, qui a requis l'anonymat, évoque "des autocollants représentant le nombre 969 (1), distribués à des responsables de magasin et à des taxis, afin qu'ils l'apposent sur leur commerce et garantissent ainsi leur caractère bouddhiste". Cette campagne ouvertement raciste et anti-musulmane a tourné à l'invitation au meurtre. Elle est principalement le fait des moines bamars, l'ethnie majoritaire d'un pays qui en compte 135.

Concentrés dans la plaine centrale de l'Irrawaddy, les Bamars, de confession bouddhiste, forment 75 % de la population birmane. Parmi le quart restant figurent les minorités shans (bouddhistes), les Karens (bouddhistes et chrétiens), les Arakanais (bouddhistes) et les Kachins (chrétiens), qui sont, eux, situés dans les zones montagneuses - et riches - entourant le pays. L'Empire britannique des Indes (XIXe et XXe siècles) a également favorisé l'arrivée sur le territoire birman de travailleurs musulmans en provenance du sous-continent indien, même si les premières conversions à l'islam en Birmanie datent du VIIIe siècle. Or, ces minorités ont toujours été victimes du racisme ordinaire de l'ethnie bamar au pouvoir. 

Instrumentalisation

"Les Bamars se considèrent comme les seuls vrais Birmans", explique Maël Raynaud. "Tous les autres peuples ne sont vus que comme des invités qui ne sont qu'hébergés dans le pays." L'indépendance de la Birmanie en 1948 devait assurer l'émergence d'un gouvernement démocratique et fédéral. Cette dernière condition ne sera jamais respectée. Dès 1948, les minorités ethniques se soulèvent contre le gouvernement central (bamar), précipitant le coup d'État de l'armée en 1962. Celle-ci dirigera le pays d'une main de fer durant cinquante ans. 

"Dès lors, le pouvoir a instrumentalisé le bouddhisme pour consolider son processus d'unité nationale", rappelle Alexandra de Mersan, anthropologue spécialiste de la Birmanie, à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). Principale cible de cette politique discriminatoire, la communauté des Rohingyas. Ces musulmans d'origine bengalie, dont 800 000 peuplent l'État de l'Arakan, au nord-ouest du pays, ont été déchus de la citoyenneté en 1982. "Ils n'ont pas d'État et sont arbitrairement considérés comme des étrangers, ce qui est faux", assure au Point.fr Phil Robertson, chercheur à Human Rights Watch.

Instrumentalisation de la peur

Extorsion de leurs terres, difficultés à se marier ou interdiction d'étudier, les Rohingyas sont, d'après l'ONU, la "minorité la plus persécutée au monde". Si elle fait tout pour les forcer à quitter la Birmanie, quitte à les placer dans des camps aux conditions de vie misérables, la junte militaire va en parallèle attiser chez les habitants de l'Arakan (les Arakanais) une véritable haine anti-Rohingyas. "Il s'est développé chez eux une réelle peur par méconnaissance de l'islam", raconte Alexandra de Mersan. "Les Arakanais ont notamment été très choqués par la destruction par les talibans des Bouddhas de Bâmiyân, en mars 2001 enAfghanistan, mais aussi par le 11 Septembre, dont les images ont été allègrement diffusées par la télévision birmane." 

Le départ de la junte du pouvoir et la démocratisation du pays ne pouvaient donc qu'exacerber ce ressentiment. "Les haines, retenues par des chapes de plomb, se sont alors exprimées au grand jour", résume l'analyste Maël Raynaud. "Pour les Arkanais, la démocratie signifiait dès lors que tout était permis." Le scénario tant redouté intervient en juin et en septembre 2012. Cette fois, c'est le viol d'une femme bouddhiste qui fait office d'étincelle. Les affrontements sont terribles et feront au moins 180 morts. Très vite, les forces de sécurité birmanes sont accusées - au mieux - de passivité, - au pire - de complicité dans les violences.

Le silence d'Aung San Suu Kyi

"Si certains ont effectivement été pris par surprise, nous avons vu des policiers tirer directement sur des Rohyngias qui luttaient pour éteindre des feux", affirme Phil Robertson de Human Rights Watch. À l'époque, de nombreux messages de haine ciblant les membres de cette minorité - "des monstres noirs" - sont diffusés sur Internet et même relayés par une partie de la presse birmane. Le chercheur y voit d'ailleurs un lien avec les violences actuelles. "Ce genre de pamphlets incendiaires anti-musulmans fleurit aujourd'hui dans de nombreux villages et pousse à l'action, d'autant plus que les auteurs bénéficient d'un sentiment d'impunité."

"Il ne s'agit pas tant de laisser-faire que d'un manque de savoir-faire de la part des forces de l'ordre, qui n'ont pas de troupes antiémeute", juge toutefois Maël Raynaud. "D'un côté, il est difficile pour un soldat bouddhiste d'arrêter un moine, de l'autre le gouvernement (présidé par l'ancien général de la junte Thein Sein, NDLR) ne souhaite certainement pas se mettre le peuple à dos, notamment dans l'optique des prochaines élections législatives de 2015." Le président Thein Sein n'est pas le seul à faire ce calcul. Grande figure de la lutte pour les droits de l'homme, le Nobel de la paix Aung San Suu Kyi frappe depuis le début de la crise par son silence. 

Celle qui est désormais députée de l'opposition a même assisté mercredi pour la première fois aux cérémonies annuelles de l'armée, qui l'a pourtant maintenue enfermée pendant 15 ans. Une stratégie hautement politique, selon Maël Raynaud. "Aung San Suu Kyi ne peut pas se mettre à dos la population, l'armée et les membres de son propre parti. Or, ils sont tous profondément racistes."

 

Ils sont un million de Rohingyas, une minorité musulmane, à vivre en Birmanie. Mais depuis 1982, ils n'ont même plus droit à cette nationalité, dans un État à l'écrasante majorité bouddhiste, profondément identitaire. Pour eux, pas d'accès à l'emploi, à la santé, à l'éducation : un véritable apartheid, des décennies de brimades et de stigmatisation, et depuis 2012 une répression sanglante. On parle de près de 400.000 déplacés.

Qui sont les Rohingyas ?Qui sont les Rohingyas ? © Visactu

La justification de cette répression, c'est le fait que depuis un an, un groupe de Rohingyas a lancé une insurrection armée, en s'en prenant à des postes de police et en exécutant des collaborateurs présumés. Cette rébellion a décuplé la fureur de l'armée birmane, dont les représailles envers les Rohingyas s'apparentent à un nettoyage ethnique, selon l'ONU.

Ironie du sort, le pouvoir birman est notamment représenté par l'ancienne dissidente Aung An Suu Kyi (porte-parole de la Présidence), lauréate du prix Nobel de la Paix en 1991. Elle soutient la ligne dure du pouvoir et de l'armée et dénonce les "terroristes" rohingyas, qu'elle accuse d'utiliser des enfants soldats et de mettre le feu à des villages.

 

 

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