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 Selon Saidani le batard des péres blancs français et catholiques du Vatican le général Toufik aurait organisé le faux terrorisme islamique en Algérie pour exterminer les algériens et faire plaisir à la famille de Roger Hanin et Mitterrand?

 

   Habitué à organiser des attentats sous fausse bannière  en Algérie Toufik aurait donné son expertise au Mossad et à la CIA et Georges Bush afin de diaboliser les musulmans et voler leur pétrole comme lui l'as fait en Algérie ? Une question alors se pose est ce que Toufik a inspiré Georges Bush pour cet odieux attentat et la guerre mondiale des USA et de la Suisse contre l'islam ? Il était bien présent à New York pour supérviser cet attentat et donner son expertise aux services secrets américains et israéliens et séoudiens !

 

Tewfik et la « machine de mort »

Le général « Tewfik » Médiène a été le principal organisateur de cette stratégie de guerre contre-insurrectionnelle, qui a fait des dizaines de milliers de morts et de disparitions forcées de 1992 à 2000 (une stratégie directement inspirée de la « doctrine de guerre révolutionnaire », ou « DGR », théorisée et mise en œuvre par l’armée française contre le peuple algérien à partir de 1954, lors de la guerre de libération engagée par les nationalistes du FLN6). Autant de crimes contre l’humanité, selon la définition donnée par les statuts de la Cour pénale internationale (CPI). Des centaines d’officiers supérieurs des forces spéciales de l’ANP et du DRS en ont alors été les acteurs ou les complices, tandis que des milliers de soldats du rang n’avaient d’autre choix que de faire le « sale boulot » (comme avant eux les soldats français mobilisés en Algérie pour « casser le bougnoule »). Depuis 1997, Algeria-Watch s’efforce de documenter leurs exactions, dans la perspective d’actions judiciaires qui permettront à leurs victimes de faire reconnaître leurs droits.

Après une carrière parfois chaotique après l’indépendance au sein de la Sécurité militaire, la police politique du régime, Tewfik a été promu à sa tête en 1990 (quand elle est devenue « DRS »), à l’initiative du général Larbi Belkheir qui était alors l’« homme fort » du régime. Déjà considérables, les pouvoirs du DRS et de son chef vont s’étendre encore à partir du coup d’État militaire du 11 janvier 1992, dont les promoteurs déposent le président Chadli Bendjedid et annulent le second tour des élections législatives qui allaient être remportées par le Front islamique du salut (FIS). Avec son adjoint Smaïl Lamari, dit « Smaïn » (1941-2007)7, Tewfik sera ensuite le principal concepteur et organisateur d’une véritable « machine de mort » clandestine visant à « éradiquer » toute opposition – islamiste ou non –, par tous les moyens : torture généralisée, disparitions forcées et exécutions extrajudiciaires par milliers, manipulations des groupes armés se réclamant de l’islam, déplacements forcés de population, élimination systématique des officiers en désaccord avec cette politique… Une entreprise conduite par ces deux hommes en étroite concertation avec les autres généraux « janviéristes » – le putsch a eu lieu en janvier 1992 – à la tête du gouvernement, de l’Armée nationale populaire (ANP) ou du DRS : Larbi Belkheir, Khaled Nezzar, Abdelmalek Guenaïzia, Mohammed Lamari, Mohammed Touati (ainsi que de leurs complices civils). La principale motivation de ces hommes n’était aucunement idéologique ou « républicaine » : il s’agissait pour eux de préserver à tout prix les circuits de corruption et d’enrichissement qu’ils avaient construits à leur profit depuis le début des années 1980, en éliminant ou en retournant tous ceux qui auraient pu les mettre en cause – les islamistes au premier chef – et leurs partisans, par un véritable « terrorisme d’État » – une politique globalement avalisée par les gouvernements français successifs (voire activement soutenue par certains d’entre eux).

Depuis plus de quinze ans, les modes d’action de ce terrorisme d’État, le détail de ses exactions et les noms de leurs responsables ont été largement et rigoureusement documentés par les enquêtes d’ONG nationales et internationales de défense des droits humains, les témoignages d’officiers dissidents et de familles des victimes, ainsi que par des enquêtes de journalistes indépendants8. Ces publications ont attesté que la « guerre contre les civils » des années 1990 en Algérie s’inscrit bien dans le sinistre cortège des tueries d’État industrialisées recensées depuis la Seconde Guerre mondiale : celles où, en dehors des guerres coloniales et des guerres interétatiques, les victimes nationales se comptent à chaque fois en centaines de milliers (Indonésie, Chine, Cambodge, Guatemala, Colombie, Soudan, Congo-Kinshasa, Sri Lanka, Rwanda, Tchétchénie, pour ne citer que les principales).

Certains des crimes contre l’humanité commis alors à l’initiative de Tewfik Médiène et de ses collègues ont notamment été révélés en 2001 par le lieutenant dissident Habib Souaïdia, dans son livre La Sale Guerre, où il relatait les atrocités dont il avait été le témoin9. Puis par un autre officier dissident en 2003, le colonel Mohammed Samraoui, qui a détaillé dans sa Chronique des années de sang les modalités de l’instrumentalisation de la violence « islamiste » par les chefs du DRS et de l’ANP10. En octobre 2003, Algeria-Watch et le militant algérien Salah-Eddine Sidhoum ont publié le rapport Algérie, la machine de mort, qui établissait en détail, témoignages à l’appui, le fonctionnement de l’appareil répressif largement clandestin mis en œuvre par ces derniers11. En 2004, dans un livre de référence, Françalgérie. Crimes et mensonges d’États, les journalistes Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire ont très précisément synthétisé et mis en perspective l’ensemble des informations alors disponibles permettant de comprendre la mise en place de cette « machine de mort », ainsi que la complicité des autorités françaises dans ce processus12. Un travail complété et détaillé, la même année, par le Comité justice pour l’Algérie, organisateur à Paris de la 32e session du Tribunal permanent des peuples consacré aux « Violations des droits de l’homme en Algérie, 1992-200413 ». Et depuis lors, Algeria-Watch n’a cessé de documenter, par de multiples études et communiqués, le rôle du DRS et de son chef Tewfik dans ce terrorisme d’État, toujours actif en 2015, certes sous de nouvelles formes.

Mais force est d’admettre que toutes ces informations, pourtant assez facilement vérifiables, n’ont guère été reprises à l’époque par les médias occidentaux, notamment français, que la plupart ont alors ignorées. D’où leur perplexité quand ils ont dû, dix ans plus tard, tenter d’expliquer les raisons du départ de « Tewfik », parfois qualifié de « dieu de l’Algérie » dans la presse algérienne elle-même. Ces médias ont en effet été les premières cibles du dispositif sophistiqué de désinformation déployé dans les années 1990 par le chef du DRS et ses collègues, visant à cacher la réalité du terrorisme d’État qu’ils mettaient en œuvre : leur pari étant que l’ennemi désigné par eux étant le « barbare islamiste », les médias français et occidentaux fermeraient les yeux sur la barbarie d’État mise en œuvre pour l’« éradiquer ».

Un pari malheureusement gagné pour l’essentiel, comme l’atteste entre mille exemples le silence qui a accueilli en France la publication en 2008 du bouleversant et révélateur témoignage posthume du journaliste algérien Saïd Mekbel, assassiné le 3 décembre 1994 par des « islamistes »14. Dans ces entretiens accordés à l’automne 1993 à la journaliste allemande Monika Borgmann, l’éditorialiste du quotidien Le Matin – où il soutenait pourtant avec constance la politique d’« éradication » des islamistes poursuivie par les généraux janviéristes – expliquait pourquoi il était convaincu que les meurtres d’intellectuels laïques qui se multipliaient depuis quelques mois, attribués aux GIA (ou revendiqués par eux), étaient en réalité commandités par le général « Tewfik » Médiène : il s’agissait selon lui d’un « terrorisme pédagogique », visant à « réveiller la société civile »15. Et il disait sa conviction que s’il était tué à son tour, ce serait sur son ordre.

Tartag, le « monstre » de Ben-Aknoun

Ces rappels – évidemment trop succincts – de la carrière criminelle du général de corps d’armée Mohammed Médiène étaient nécessaires pour expliquer la quasi-sidération qui a suivi, dans les médias occidentaux, l’annonce de son remplacement en septembre 2015 à la tête du DRS par le général-major à la retraite Athmane « Bachir » Tartag, qui fut longtemps l’un des pires exécuteurs de sa « machine de mort ».

De 1990 à mars 2001, le commandant (puis colonel) Tartag a dirigé le Centre principal militaire d’investigation (CPMI, situé à Ben-Aknoun, dans la banlieue d’Alger), une unité dépendant de la Direction centrale de sécurité de l’armée (DCSA), l’une des principales directions du DRS. Durant toutes ces années-là, la caserne du CPMI a été l’un des pires centres de torture et d’exécutions extrajudiciaires du DRS, comme l’ont documenté depuis de nombreux témoignages16.

Celui de l’ex-colonel du DRS Mohammed Samraoui est à cet égard particulièrement significatif. En juillet 1994, alors qu’il était en poste à l’ambassade d’Algérie en RFA, il rendit visite lors d’un passage à Alger à Bachir Tartag, qui avait été autrefois son subordonné et son ami. Voici comment il a rendu compte de cette visite dans son livre : « C’était vraiment hallucinant ! Lors de mon entretien avec le lieutenant-colonel Tartag, j’ai appris que, dès le début 1992, il avait constitué sur ordre du colonel Kamel Abderrahmane [chef de la DCSA], une unité de “commandos” appelée “unité d’action” qui se chargeait non seulement de l’exécution des suspects, mais également de terroriser les familles d’islamistes dans les quartiers considérés comme leurs fiefs. Selon ses propos, “il coupait le soutien aux intégristes qui ne devaient plus retrouver refuge chez leurs parents”.

« Cette unité était constituée de plusieurs groupes de six à dix éléments accoutrés en tenue “afghane” et portant des barbes d’une dizaine de jours. Au milieu de la nuit, à bord de véhicules civils banalisés, ils se rendaient dans les quartiers “islamistes” comme Cherarba, Les Eucalyptus, Sidi-Moussa, Meftah, etc., pour cibler des familles bien précises, celles des islamistes recherchés. Ils frappaient à la porte en criant : “Ouvrez, nous sommes des moudjahidine.” Dès que la porte s’ouvrait, les occupants étaient tous massacrés. Le lendemain, les quotidiens nationaux attribuaient ces crimes aux islamistes ou à la guerre fratricide déchirant leurs rangs. En 1993 et 1994, le bilan quotidien de ces exactions variait de dix à quarante victimes.

« La justification de ces expéditions punitives contre les “durs de la mouvance islamique” était qu’il s’agissait prétendument d’actions “préventives” visant à éviter que les sympathisants du FIS rejoignent les maquis après avoir été libérés des camps du Sud. Mais il s’agissait surtout de terroriser la population et de se débarrasser des islamistes refusant d’être retournés et qui risquaient de bénéficier de la “complaisance” de la justice. Le lieutenant-colonel Bachir me déclara ainsi : “À quoi bon les remettre à la justice si au bout de trois ou six mois ils sont remis en liberté pour nous harceler de nouveau ? Dès que quelqu’un tombe entre nos mains, il ne risque pas d’aller en prison ! Tu vois, on fait faire des économies à l’État !” Quel cynisme ! Sincèrement, j’étais bouleversé : ce n’était plus le capitaine Bachir que j’avais connu à Constantine, gentil, serviable, éduqué, humain… J’avais en face de moi le lieutenant-colonel Tartag devenu un monstre, un mutant17. »

Dans son livre, Mohammed Samraoui révélera également que Tartag était particulièrement impliqué, dès 1992, dans l’infiltration et les manipulations des premiers groupes armés islamistes, puis dans le pilotage des groupes directement contrôlés par le DRS, comme le Front islamique du djihad armé (FIDA) et le Groupe islamique armé (GIA) de Djamel Zitouni18. Parmi les innombrables horreurs perpétrées par ces « groupes islamiques de l’armée », principalement contre la population civile, il faut très probablement inscrire l’assassinat – revendiqué par le GIA – à Alger, le 3 août 1994, de trois gendarmes et deux fonctionnaires français. En effet, écrivent Lounis Aggoun et Jean-Baptiste Rivoire : « Si l’opération semble bien avoir été exécutée par un groupe armé contrôlé par le DRS, celui de l’“émir” Mahfoud Tadjine, adjoint de Chérif Gousmi et numéro deux du GIA, plusieurs témoins affirment qu’elle fut organisée par le colonel Bachir Tartag, le patron du CPMI de Ben-Aknoun. Aucune enquête n’a été diligentée par Paris sur l’assassinat de ses cinq gendarmes et fonctionnaires, mais toutes les informations disponibles montrent qu’il s’agissait d’une vaste manipulation destinée […] à faire basculer la France dans le camp éradicateur19. »

Fort de ses « états de service », Tartag a poursuivi sa carrière criminelle au sein du DRS, jusqu’à être promu général-major en juillet 2011, juste avant (du moins officiellement) de partir en retraite. Il en a été rappelé par « Tewfik » Médiène en décembre 2011 pour être nommé à la tête de la Direction de la sécurité intérieure du DRS (DSI, qui a remplacé la DCE), la plus importante instance de la police politique. Reste à comprendre maintenant pourquoi, quatre ans plus tard, le premier a remplacé le second.

2013-2015 : l’« effeuillage du DRS » et la valse des dirigeants

La question se pose d’autant plus que le départ de Tewfik est intervenu au terme d’une étonnante séquence de deux ans, qui a vu le DRS progressivement « dépouillé » de plusieurs de ses branches (le plus souvent au profit de l’état-major de l’ANP) et l’éviction de plusieurs de ses responsables. Rappelons les principales étapes de ce processus, telles que l’on peut tenter de les reconstituer à partir d’informations (souvent contradictoires) délivrées par la presse algérienne francophone et arabophone (que nous avons tenté de valider par d’autres sources, sans pouvoir assurer toujours la totale véracité de ces informations, tant reste opaque la communication des sources militaires, ANP ou DRS, du régime algérien) :

– juillet 2013 : le colonel Fawzi, directeur de la Direction de la communication et de la diffusion du DRS (chargé du contrôle des médias) est mis à la retraite d’office ; deux mois plus tard, son service est placé sous l’autorité de l’état-major de l’ANP ;

– septembre 2013 : le général-major M’henna Djebbar (qui fut avec Tartag l’un des pires responsables de crimes contre l’humanité pendant la « sale guerre » quand il dirigeait le CTRI de Blida) est démis de ses fonctions à la tête de la Direction centrale de sécurité de l’armée (DCSA) du DRS, laquelle est désormais rattachée au chef d’état-major de l’ANP et dirigée par le général Lakhdar Tirèche ; et le Service central de police judiciaire des services militaires de sécurité du ministère de la Défense nationale, chargé des enquêtes anti-corruption au sein du DRS, passe également sous la tutelle directe de l’ANP. Une semaine plus tard, les deux directions essentielles restant au sein du DRS sont décapitées : le général-major Athmane Tartag est mis à la retraite – il devient « conseiller » du chef de l’ANP, le général Gaïd Salah (73 ans) – et remplacé à la tête de la DSI par le général-major Abdelhamid Bendaoud, dit « Ali », attaché militaire à l’ambassade d’Algérie à Paris ; le même sort affecte le général-major Rachid Lallali, dit « Attafi » (75 ans), qui cède sa place à la tête de la Direction de la documentation et de la sécurité extérieure (DDSE) au général Mohamed Bouzit, dit « Yacef » (61 ans) ;

– janvier 2014 : la « Commission spéciale de sécurité », officiellement créée en décembre 2013 pour gérer la carrière des officiers de l’armée (et du DRS) et composée des chefs de l’ANP et de la police20 entérine les départs en retraite du colonel Fawzi, du général Djebbar et du général Abdelkader Aït-Ouarabi, dit « Hacène » ou « Hassan », jusqu’alors chef du Service de coordination opérationnel et de renseignement antiterroriste (SCORAT) au sein de la DSI (dirigée par Tartag jusqu’en septembre 2013) du DRS ;

– février 2014 : un mois à peine après sa mise à la retraite, le général « Hassan » est arrêté « d’une manière musclée » par des gendarmes et accusé d’« activités séditieuses » (« constitution de bandes armées, détention et rétention d’armes de guerre, fausses déclarations sur le stock d’armes utilisées ou mises à sa disposition dans le cadre de ses prérogatives (lutte antiterroriste)21 ») ; il est « élargi » quelques jours après, puis on n’entendra pratiquement plus parler de cette affaire étrange dans la presse algérienne pendant dix-huit mois ;

– juillet 2015 : le général-major « Ali » Bendaoud, réputé proche de Tewfik, est remplacé à la direction de la DSI par le général Abdelkader (qui dirigeait le CTRI de Blida, de sinistre mémoire, depuis 2005) ; la Direction générale de la sécurité et de la protection présidentielle (DGSPP), qui dépendait du DRS, est rattachée à l’état-major de l’ANP (son patron, le général Djamel Lekhal Medjdoub, est remplacé par le général Nacer Habchi) ; tandis que le général-major Ahmed Moulay Meliani, patron de la Garde républicaine, est remplacé par le général-major Ben Ali Ben Ali, chef de la 5e région militaire ;

– août 2015 : alors que le CSORAT, chargé de la lutte antiterroriste, est rattaché à la DCSA (donc à l’armée), on apprend que le Groupe d’intervention spéciale (GIS, connu comme la « force de frappe » du DRS, unité qui avait été responsable des pires exactions dans les années de la « sale guerre ») est purement et simplement dissous.

Et le 30 août 2015, la presse algérienne rapporte avec force détails que le fameux général « Hassan », l’ancien chef de la lutte antiterroriste au sein du DRS, a été arrêté et incarcéré à la prison militaire de Blida, en attente de jugement pour les « faits graves » qui lui étaient reprochés dix-huit mois auparavant (en substance : au Sahel et en Tunisie, il aurait manipulé, voire directement instrumentalisé, des groupes armés se réclamant de l’islam). Enfin, à l’issue de ces deux années de « valse au sommet », survient logiquement le départ officiel, le 13 septembre, du général Médiène, chef suprême du DRS depuis un quart de siècle.

Peut-on pour autant prétendre, avec la plupart des médias algériens, tous plus ou moins proches jusque-là des hommes de la police politique, qu’il s’agit d’une « vaste opération menée par le clan présidentiel en vue de déstructurer et vider de sa substance le DRS », qui serait devenu une « coquille vide22 » ? Pour trancher cette question, il est essentiel de prendre en compte d’autres facteurs occultés par ces médias – et par la plupart de leurs homologues étrangers, qui les ignorent trop souvent. Quand on ajoute ces « pièces manquantes » d’information au puzzle très incomplet et falsifié proposé par les « sources officielles » pour expliquer les « luttes de clans » au sommet de l’État algérien, après avoir conservé les informations avérées et retiré celles, bien plus nombreuses, relevant de la pure propagande, une image beaucoup plus vraisemblable de ces luttes émerge du puzzle ainsi reconstitué.

Le rôle majeur des pressions américaines dans la prétendue « normalisation » du DRS

Première pièce d’information manquante de ce puzzle : les dessous de la gigantesque prise d’otages opérée le 16 janvier 2013 sur le site gazier de Tiguentourine – à 60 km de la petite ville saharienne d’In-Amenas –, qui s’est soldée par la mort de trente-neuf otages étrangers, un otage algérien et trente-deux assaillants. Dans un article de l’ex-lieutenant Habib Souaïdia23, Algeria-Watch a révélé, un mois après ce drame, ce qui s’est passé alors : selon les informations précises24 qu’il a alors recueillies auprès de « militaires patriotes bien informés » – des officiers qui étaient présents au sein de la cellule de crise constituée sur place par des responsables des forces spéciales de l’ANP et du DRS –, c’est le général Athmane Tartag, alors chef de la DCSA, qui a ordonné aux hommes du GIS, commandés par le général « Hassan », de « tirer dans le tas » : les missiles tirés par leurs hélicoptères ont indistinctement tué les terroristes islamistes et les otages occidentaux qu’ils détenaient (dont dix Japonais, neuf Philippins, six Britanniques, cinq Norvégiens, trois Américains et un Français).

Cette information sur le rôle direct du DRS dans ce drame n’a été reprise par aucun des grands médias occidentaux25. Mais les services de renseignements des principaux États occidentaux impliqués en Algérie (CIA et NSA pour les États-Unis, MI6 pour le Royaume-Uni, DGSE pour la France) l’ont évidemment connue avant Algeria-Watch, tout en se gardant bien de le reconnaître – ce qui les conduira d’ailleurs à exercer des pressions constantes sur les familles des victimes pour qu’elles cessent de se battre sur le plan judiciaire afin d’obtenir vérité et justice.

Dans un autre article que nous avons publié en avril 2015, Habib Souaïdia a donné les clés de ce triomphe de la raison d’État : « Les services secrets occidentaux sauront également très vite par qui leurs ressortissants ont été tués. Mais tenus qu’ils étaient par leur collaboration “antiterroriste” avec les services algériens, ils ont caché cette réalité. Furieux de ce crime du DRS, les chefs des services américains et britanniques ont toutefois fait savoir aux généraux de l’état-major de l’ANP que cela ne devait plus jamais arriver, et qu’ils devaient impérativement mettre fin aux agissements et à l’autonomie des chefs du DRS. D’où le regain de tension entre les deux pôles du pouvoir militaire algérien, qui s’est traduit en septembre 2013 par l’éviction d’importants officiers supérieurs du DRS26. » Telle est en effet, à notre connaissance, la raison majeure de la première vague d’« épuration » au sein du DRS à l’été 2013 que nous avons évoquée, avec l’éviction apparente des généraux-majors Athmane Tartag et M’henna Djebbar, criminels contre l’humanité aux mains trop rouges du sang de leurs milliers de victimes.

Intervient peu après un autre événement essentiel, également pièce manquante dans les puzzles d’information falsifiés proposés par la propagande officielle comme par la plupart des opposants au régime – il y en a certainement d’autres que nous ignorons, mais celui-là, comme le premier, nous semble décisif. Dans un nouvel article publié par Algeria-Watch en avril 2015, Habib Souaïdia – toujours grâce à ses sources au sein de l’ANP – révèle pourquoi l’assassinat en septembre 2014 du touriste français Hervé Gourdel par un groupe armé improbable se réclamant de l’État islamique (agissant en Irak et en Syrie) est très probablement un nouveau coup tordu des chefs du DRS rompus à la manipulation des groupes armés « se réclamant de l’islam ». Et dans cet article, il explique pourquoi cet épisode tragique est d’une certaine façon la conséquence d’un autre survenu à l’été 2013 : l’infiltration, à l’initiative du général Hassan, de « djihadistes » du DRS au sein des maquis salafistes de l’Est tunisien, dans le but de déstabiliser le gouvernement du parti islamiste Ennahda – lequel tombera en décembre 2013. « C’est ce que, explique Souaïdia, selon mes correspondants, des militaires tunisiens ont alors révélé aux services de renseignements américains, qui auraient du coup demandé à nouveau aux chefs de l’ANP d’en finir une bonne fois pour toutes avec ces manipulations des chefs du DRS – d’où l’arrestation (très provisoire) du général Hacène27. »

Avec ces « pièces manquantes », la logique de la singulière histoire de l’« effeuillage » depuis 2013 des prérogatives du DRS de 1990, avatar de l’omnipotente police politique au cœur du régime depuis l’indépendance, apparaît d’une façon sûrement plus conforme à la réalité des débats – et non des « luttes de clans » – au sein d’une coupole mafieuse dont les membres ne partagent qu’un seul et même objectif : durer à tout prix afin de poursuivre l’accaparement et le partage à leur profit (et celui de leurs enfants et de leurs proches) des richesses de l’Algérie.

C’est dans cette perspective qu’ils ont (partiellement) cédé aux exigences formulées par les responsables des services américains et britanniques. Car, comme leurs homologues français, ces derniers n’ignorent évidemment pas le « double jeu » joué depuis le début des années 2000 par les généraux (ANP et DRS) contrôlant le pouvoir réel en Algérie. Un double jeu fondé sur la poursuite de leur politique de manipulation de la violence islamiste – à travers les « groupes islamiques de l’armée » – qu’ils avaient mise en œuvre contre le peuple dans le cadre de leur stratégie « contre-insurrectionnelle » lors de la sale guerre des années 1990. À partir de 2003, ils ont partiellement déplacé au Sahara et au Sahel les actions terroristes des groupes armés islamistes qu’ils contrôlaient directement ou indirectement : GIA, puis GSPC, AQMI, MUJAO, Al-Mourabitoune, Ansar Eddine, etc.28, tandis que certains d’entre eux continuaient à mener des actions sporadiques dans le nord du pays, surtout en Kabylie29. Cela dans un double but : en interne, l’entretien d’un « terrorisme résiduel » permettant aux chefs de l’armée et du DRS de justifier la perpétuation de leur pouvoir autoritaire (avec son cortège de violations massives des libertés élémentaires) ; et, à l’international, de justifier leur rôle de « partenaires incontournables » des puissances occidentales dans la lutte antiterroriste au Maghreb, au Sahara et au Sahel, au motif de leur longue « expérience » en ce domaine.

Duplicité et « jeux de rôles » pour imposer à l’Algérie un nouvel avatar de la police politique

Depuis les attentats du 11 Septembre, les dirigeants américains ont de fait constamment tenu à célébrer publiquement l’« expertise antiterroriste » des généraux algériens30, mais sans être dupes pour autant. Et quand le double jeu de ces derniers a commencé à sérieusement « déraper », notamment avec le drame de Tiguentourine et l’épisode des maquis tunisiens infiltrés, ils ont à l’évidence compris que la « méthode algérienne » devenait plus contre-productive qu’efficace pour tenter de rétablir un minimum de stabilité au Maghreb, après l’intervention militaire de l’OTAN en Libye en mars 2011 (laquelle a détruit le régime dictatorial de Kadhafi au prix d’un chaos régional menaçant d’être aussi durable que celui provoqué par la guerre américaine lancée en 2003 contre l’Irak de Saddam Hussein). Les services américains ont également fait part de leur perplexité quant aux capacités de renseignement opérationnel du DRS, incapable d’anticiper l’attaque d’un site gazier de première importance et de détecter un convoi circulant sur plusieurs centaines de kilomètres dans le désert. Ils ont mis en exergue la déconnexion entre renseignement et unités militaires et ils ont exigé que des mesures correctives soient prises sur ce point. Pour enfoncer le clou, l’armée américaine a annoncé, au printemps 2015, le renforcement substantiel de sa base de Moron de la Frontera en Espagne pour accroître sa capacité d’intervention en Afrique31.

Il est certain que Washington n’apprécie guère le régime algérien, comme en témoigne par exemple le fait que ses relations avec Alger sont principalement gérées par ses services de renseignements et le Département de la défense, tandis que les contacts politiques et diplomatiques restent limités au minimum. Mais les États-Unis doivent tenir compte de la position de la France – laquelle donne sur la question algérienne le « la » au sein de l’Union européenne –, qui accorde de longue date un soutien sans faille au régime antidémocratique de son ancienne colonie. D’où, là aussi, un double jeu de la part de l’administration américaine.

D’un côté, elle se garde bien de dénoncer fortement les graves violations des droits de l’homme perpétrées par le régime algérien, comme d’exprimer ouvertement son inquiétude face à l’incapacité croissante de son gouvernement de façade – celui du très diminué président Abdelaziz Bouteflika et de son inepte Premier ministre Abdelmalek Sellal – de gérer une population réduite depuis 2002 aux émeutes à répétition pour exprimer sa révolte. Un climat social d’autant plus menaçant que l’effondrement des cours des hydrocarbures, seule ressource du pays, remet en question le fondement même de la stabilité du régime : la redistribution clientéliste d’une partie de la rente pétrolière.

Et, d’un autre côté, Washington n’hésite pas depuis 2013 à faire discrètement mais fermement pression (en coordination avec Londres et Paris) sur les vrais « décideurs » algériens, les patrons de l’ANP et du DRS, pour mettre un terme à certains aspects d’un mode de gouvernance devenu inefficace. En témoigne notamment la très discrète « visite de travail » à Alger, le 27 août 2015, du directeur du renseignement national des États-Unis (Director of National Intelligence), James R. Clapper32 : survenant à la veille de l’arrestation du général Hassan et du départ du général Tewfik, cette surprenante visite, sans précédent officiel, semble avoir eu pour premier motif de s’assurer de la bonne exécution des instructions du Pentagone.

Même si bien des aspects de cette affaire restent à éclaircir, il est donc possible d’affirmer sans grand risque que le remplacement de Tewfik par Tartag à la tête du DRS n’est certainement pas – comme l’affirment nombre de médias algériens contrôlés par des hommes d’affaires liés au DRS – le résultat d’une imaginaire « lutte de clans » opposant Saïd Bouteflika, le frère du président, au général Tewfik Médiène, dont il aurait « eu la peau ». Ni même celui d’une lutte farouche entre les chefs de l’ANP et du DRS : même si, depuis la fin de la « sale guerre » qu’ils avaient menée conjointement, ils ont pu diverger – voire s’opposer – sur des choix tactiques, eux-mêmes et leurs successeurs sont restés unis sur l’essentiel, la préservation de leur système de pouvoir (et de leurs richesses issues de la corruption) – dont ils peinent toutefois à trouver des relais dans les jeunes générations.

Il semble en revanche hautement probable que ces vieux « décideurs » ont en partie cédé aux pressions américaines en neutralisant le général Hassan, manipulateur en chef des « groupes islamiques de l’armée » depuis les années 2000 – ce qui pourrait impliquer le reflux de la stratégie d’instrumentalisation du « terrorisme islamiste », privilégiée depuis plus de vingt ans par les généraux. Mais l’indiscutable réduction des pouvoirs officiels du DRS, accompagnée de divers rideaux de fumée destinés à cacher la réalité, est surtout le fruit d’une adaptation très pragmatique aux pressions de Washington. Car le DRS a conservé l’essentiel pour se maintenir au cœur du contrôle de la société : la DSI et la DDSE, les deux directions responsables du contre-espionnage et du renseignement extérieur (à l’image de la DGSI et de la DGSE en France, ou du FBI et de la CIA aux États-Unis).

Tout changer pour que rien ne change…

Reste un paradoxe apparent : si cette opération de « normalisation » du DRS a été déclenchée principalement par les pressions américaines exercées suite à la tuerie des otages occidentaux de Tiguentourine commanditée par Tartag en janvier 2013, pourquoi les responsables des services américains ont-ils finalement accepté que ce soit lui qui remplace Tewfik ?

Selon les informations recueillies par Algeria-Watch aux meilleures sources, l’explication réside dans le double jeu déjà évoqué des services américains (et de leurs partenaires européens), mis en œuvre pour tenter d’en finir avec celui des généraux algériens : ils ont tout fait (notamment à travers les publications des « experts » de l’antiterrorisme des think tanks financés par le Pentagone et les lobbies néoconservateurs) pour occulter publiquement le rôle des chefs du DRS dans l’instrumentalisation de la « violence islamiste » ; tout en faisant savoir aux « décideurs » d’Alger qu’ils devaient en finir avec cette pratique (dont ils entendent sans doute avoir le monopole).

Le « limogeage » de Tewfik et la nomination de Tartag n’ont certainement pas été décidés en 24 heures, le 13 septembre 2015. Tewfik, qui savait depuis longtemps qu’il était dans l’œil du cyclone américain, n’ignorait pas qu’il n’avait évité son éviction au lendemain de Tiguentourine que parce que d’autres avaient payé pour lui. Il savait aussi qu’il ne bénéficiait depuis cette date que d’un sursis, qui a pris fin avec l’affaire de la manipulation du DRS en Tunisie, cause de la chute du général Hassan.

Selon nos informations, la décision de mettre fin aux fonctions de Tewfik aurait été prise lors de la nomination en septembre 2014 de Tartag en qualité de conseiller de Bouteflika, nomination que Tewfik semble avoir lui-même recommandée, ce qui expliquerait pourquoi il a collaboré aux décisions ultérieures. Son remplacement par Tartag arrangeait en effet Tewfik sur plusieurs points. D’abord, il le protégera contre toute action « malveillante », vu qu’il a été son complice depuis 1992, qu’ils ont ensemble tué, égorgé, torturé, etc. Connaissant bien par ailleurs les réseaux de Tewfik à l’intérieur du DRS, Tartag est le mieux placé pour perpétuer le système qu’ils ont conjointement mis en place. De ce fait, il est également le plus à même de contrer éventuellement les Américains, dans le cas où ces derniers « suggèreraient » d’autres mesures qui n’arrangeraient pas le clan des anciens. Et du fait de son passé de sanguinaire, directement passible du TPI, il fera le nécessaire pour éviter à Tewfik et aux autres janviéristes survivants le passage par La Haye. De même, la promotion de Tartag adresse aux centaines d’officiers du DRS et de l’ANP responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité dans les années 1990 un message clair : leur impunité sera garantie.

Cette nomination a dû faire l’objet d’intenses négociations entre Algériens et Américains qui ont duré un an (septembre 2014-septembre 2015). Car les services de renseignements américains sont également complices d’un certain nombre d’actions attribuées aux groupes « islamistes », au Sahel notamment, et ils ont couvert toutes les turpitudes des Algériens dans ce domaine depuis le 11 Septembre. Seul quelqu’un qui a participé à toutes ces magouilles est en mesure de « veiller aux intérêts » des uns et des autres et donc d’éviter aussi aux Américains pour le moins un grand scandale. Ces derniers craignaient aussi qu’un total démantèlement du DRS déstabilise ce régime qui, finalement, sert leurs intérêts dans la région. La nomination de Tartag est enfin une mesure provisoire : c’est parce qu’il est une sorte d’intérimaire qui devra céder la place à plus ou moins long terme que les Américains ont donné leur accord à sa nomination. Pour toutes ces raisons, Tartag arrange aussi Bouteflika, Gaïd Salah et probablement la plupart des chefs de régions militaires.

Ainsi, derrière les changements d’hommes, les mouvements de structures bureaucratiques, les changements d’attributions et de compétences publiquement affichés dans un curieux exercice d’« opacité transparente », le système de pouvoir reste intact, hors des institutions et hors de tout contrôle démocratique. Ces jeux de chaises musicales dans un théâtre d’ombres ne peuvent dissimuler l’essentiel : l’immuabilité d’un système fondé sur la répression des libertés publiques et l’interdiction de toute activité politique autonome pour maintenir le contrôle absolu de la dictature sur la rente. Ces modifications formelles très scénarisées sont ordonnées selon un storytelling destiné à accréditer la thèse de changements décisifs. Mais rien ne change dans le fonctionnement du pays. Le lifting du DRS annoncé à grand fracas ne signifie aucunement la fin du régime.

Sur la chaîne satellitaire «El Hiwar », dans l’émission «Biwuduh », l’ex agent du DRS Karim Moulay, est revenu dans son témoignage sur certains drames qu’a connu l’Algérie durant le décennie noire. Du massacre de Sidi Youcef à Beni Messous au assassinats de personnes connues ou anonymes, Karim Moulay a dressé un tableau de ce que les citoyens avaient subi des années durant dans l’Algérois.

Le massacre de Beni Messous :

Selon le témoignage de Karim Moulay, l’ordre de massacrer les populations avait été donné par le général Toufik. C’était un lieu idéal d’investissement pour la famille du général qui avait déjà des ateliers dans le quartier et qui avait besoin d’élargir leur business, surtout après avoir reçu beaucoup d’argent des banques et contracté des contrats juteux avec les Saoudiens et les Espagnols. Selon ses déclarations, le neveu du Général Toufik, le dénommé Abdellatif, était déjà installé dans les lieux avec trois ateliers et avait urgemment besoin d’extension.
« Abdellatif était un ami, je lui rendais visite souvent dans ses ateliers à Sidi Youcef. Mais un jour il m’avait dit, au moment ou il soudait les portes de ses ateliers, ne viens pas me voir entre le 2 et le 10 septembre en insistant la dessus », a témoigné l’ex-agent qui a rajouté que plus de 200 personnes avaient été massacrées la nuit du 5 septembre 1997, à quelques lieux seulement des casernes. Par la suite, le reste des habitants avaient quitté les lieux en vendant leurs biens à des prix vraiment dérisoires.

Mars 1997 sur l’autoroute Zeralda :

En mars 1997, sur l’autoroute de Zéralda, sept citoyens avaient été assassinés par un groupe terroriste islamiste selon la presse de l’époque. Aujourd’hui, Karim Moulay affirme sur le plateau de la chaîne El Hiwar qu’il était sur les lieux. Avec Abassi dit Abdelkader, son officier traitant, et quatre de ses acolytes, ils revenaient d’un bar et ils avaient décidé cette nuit là de dresser un faux barrage. Ils s’étaient, excepté lui, déguisés en islamistes, avec des barbes et des « kamisses » afghans, et ils avaient arrêté deux véhicules sur l’autoroute. Les sept passagers avaient été mitraillés après les avoir fait descendre de leurs voitures.
Selon ses témoignages, leur chef Abassi disait qu’en poussant la barbarie à l’extrême, nous aurons le soutien des occidentaux.

Assassinats :

Karim Moulay a aussi évoqué d’autres assassinats. Comme celui de Salah Djebaïli, recteur de l’université de Bab Ezzouar, le 31 mai 1994. C’est lui qui avait donné les indications à Abassi dit Abdelkader, mais il ne savait pas, selon ses dires, qu’ils allaient l’exécuter froidement à la sortie de l’université, à 500 mètres seulement de deux barrages des forces de l’ordre.
La journaliste Hayat de Bousaada avait été tuée par la même équipe parce qu’elle avait refusé de travailler avec eux.
L’étudiant Hamza Mohamed de l’Institut polytechnique d’El Harrach, un activiste islamiste, avait été lui aussi exécuté et c’est Karim Moulay qui avait renseigné ses assassins.
Un autre étudiant proche du FIS, le nommé Bedrane Mohammed avait été enlevé devant l’amphithéâtre M et c’était lui qui les avait emmenés jusqu’à lui. Depuis il avait disparu.

Son officier traitant, le sinistre Abassi lui avait confirmé l’implication de son service dans l’assassinat de Djillali Liabes, directeur de l’Institut des études stratégiques et ex ministre ainsi que dans l’assassinat de Hamoud Hambli, enseignant à l’université de Tizi-Ouzou. Karim Moulay a évoqué aussi d’autres affaires et les méthodes utilisées par le DRS. Il dira aussi que « j’ai essayé de quitter le DRS lorsque j’ai vu ce qu’il faisait réellement, mais Abassi m’avait dit : une seule balle suffit, la liste des victimes du terrorisme est longue ».

           

  Toufik serait en fait disons le ! Le cerveau du 11 Septembre qui a inspiré les nazis suisses aux USA comme Rumsfeld, Bush et leur

confrèrie satanique de sodomites les skulls and Bones qui ont volé les crânes des rois de France lors de la prise de la Bastille !

 

 

 

Algérie: « Le général Toufik est un agent de la France »










La tension monte crescendo à la maison du FLN.Son secrétaire général Almar Saadani,est à nouveau passé à la vitesse supérieure. La cible du jour : l’ancien patron du département du Renseignement et de la sécurité (DRS), Mohamed Mediene,dit Toufik. 

Lors de sa réunion regroupant les mouhafedhs, les parlementaires et plusieurs membres du gouvernement, il est tombé à bras raccourcis sur l'ancien secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem ainsi que les anciens officiers de l'Armée française. 

Le général-major à la retraite Mohamed Mediene serait, selon Amar Saadani, à l'origine de tous les maux du pays. « Les événements de Ghardaïa c'est lui qui en est l'instigateur », « la candidature de Rachid Nekkaz et son apparition dans le champ politique c'est toujours lu ». Il aurait « été actionné » pour perturber l'élection présidentielle d’avril 2014. 

Et d'ajouter : « il y a les officiers de la France, les moudjahidines de la France, les militants de la France au sein du FLN et il y a les intellectuels de la France ». D’après lui, « les officiers de la France sont ceux qui ont géré les périodes de transition ». 

L’autre personnalité ciblée par Saâdani : l’ancien secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem. Pour l’actuel chef du FLN, son prédécesseur était un «collaborateur » de la France coloniale. Pis, selon le conférencier, la famille de l’ancien premier ministre s’était alliée avec la puissance coloniale. Et comme cerise sur le gâteau, Saâdani accuse Belkhadem de recevoir des « instructions » de la France. 

En revanche, le secrétaire général du FLN a épargné Ahmed Ouyahia. Commentant les attaques qu’il a portées contre le secrétaire général du RND, Amar Saâdani a nié toute critique. «Ce sont des inventions de la presse », a-t-il dit. 

Source: Externe

La main tendue de Washington au général Toufik

Evincé en 2015, bien vu de la nouvelle administration américaine, l'ex patron des renseignements "Toufik" exerce toujours de l'influence au sein de l'appareil sécuritaire algérien.

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Saidani «Le Batard Toufiq est responsable des attentats de Tibhirine, Tiguentourine .skikda

Il n’est plus officiellement en fonction. Mais de sa maison à Club-des-Pins, où il est officiellement à la retraite, le général Toufik, ex patron des renseignements algériens, continue de conseiller et de recevoir des proches ainsi que des dirigeants influents.

Depuis septembre 2016, ses relations avec les Bouteflika s’améliorent sensiblement. Le « limogeage » d’Amar Saâdani, l’ex-patron du FLN, en octobre 2016 était le gage exigé par le général pour se réconcilier définitivement avec le clan présidentiel. Une réconciliation saluée par les partenaires américains de l’Algérie et le retour des républicains à la Maison Blanche semblent redonner de la vigueur à la légende du général Toufik.

« Un agent exceptionnel » 

Des les premiers échanges entamés, la nouvelle administration installée à la CIA par Mike Pompeo et leurs homologues au sein de la toute nouvelle Direction des Affaires sécuritaires (DAS), la nouvelle entité qui a remplacé officiellement le DRS depuis fin janvier 2016,  le nom du général Toufik est revenu à maintes reprises dans les discussions bilatérales. « Pour les américains, le général Toufik a toujours été un partenaire fiable, un homme d’expérience et un agent exceptionnel », confie à Mondafrique un lieutenant-colonel encore en poste dans le nouvel organigramme de la DAS. « Les américains gardent toujours en souvenir le réseau impressionnant du général Toufik dans les pays limitrophes notamment en Libye », estime notre source selon laquelle les relais algériens en Libye, au Mali ou en Syrie constituent une force de frappe qui intéresse la CIA et les autres agences occidentales.

« Avant son départ de la tête du DRS, le général Toufik a réuni autour de lui pas moins de 1200 agents. Lors de son discours d’au-revoir, il avait beaucoup insisté sur l’importance cruciale de protéger nos sources et de continuer à valoriser notre travail d’infiltration », assure notre interlocuteur. Le retour des républicains à la tête de la CIA va-t-il donc redonner une nouvelle influence au général Toufik ? Oui, répond un autre capitaine de la police judiciaire qui vient d’être réactivé au sein des services dirigés par le général-major Tartag. « Les américains se souviennent très bien de ce voyage du général Toufik en été 2001 où nos services avaient établi un rapport détaillé sur une potentielle menace terroriste sur le sol américain. A l’époque nos agents infiltrés en Afghanistan et au Soudan avaient recueilli des informations précieuses. Malheureusement, les américains n’avaient pas étudié avec justesse nos rapports et le menace a été prise au sérieux après le funèbre 11 septembre », raconte notre source.

Réchauffement des relations avec Bouteflika

Le 11 septembre marque justement un tournant majeur dans les relations entretenues par le général Toufik avec ses partenaires américains et occidentaux en général. Quelques mois plus tard, il revient en 2001 à Washington pour rencontrer des responsables de la CIA. Les échanges sont intenses et cette fois-ci, les américains tendent une oreille attentive à celui qui leur a suggéré de ne pas entrevoir une action armée en Libye dans les années 80. A l’époque, le général Toufik était l’attaché militaire de l’ambassade d’Algérie à Tripoli.

Aujourd’hui, avec les nouveaux défis géopolitiques que suscite la situation libyenne, le général Toufik ne risque pas de s’ennuyer à cause de sa retraite. Il joue pratiquement le rôle de conseiller de l’ombre de la Présidence algérienne. Et Abdelaziz Bouteflika sait pertinemment que sa présence dans les arcanes du pouvoir algérien va rassurer les Etats-Unis et l’Europe avides de stabilité et de paix régionale.

Premier signe du retour en force de l’idéologie du général Toufik : la réintégration quasiment officielle des officiers du DRS dans les multiples administrations et cabinets ministériels alors qu’en 2016 leur retrait avait été ordonné par le Palais d’El-Mouradia. « La fiche bleue », la fameuse procédure du DRS par laquelle tout futur haut responsable ou ministre doit passer avant que sa nomination ne soit validée est toujours d’actualité à Alger. Comme ses amis américains, Abdelaziz Bouteflika a tiré la leçon du passé : il ne veut plus se priver de l’expérience incontournable d’un vieux renard du renseignement.

Le remodelage de certaines structures de l’armée, notamment le rattachement de certaines directions du Département du Renseignements et de la Sécurité (DRS) à l’état-major  de l’armée nationale populaire (ANP) et le limogeage de plusieurs généraux réputés proches du général de corps d’armée Mohamed  Médiène dit Toufik , patron de ce département, a été dicté par les les services américains et britanniques qui ont voulu un tel nettoyage dans les rangs de l’armée.

Ce sont les propos de Hocine Malti, ancien vice-président de la Sonatrach, consultant, et auteur de « Histoire secrète du pétrole algérien » qui s’exprimait, mardi, dans un entretien paru sur les colonnes du quotidien algérien Liberté. Il a expliqué que « l’attaque de Saâdani contre Toufik a poussé ce dernier à réagir par le biais de trois personnages qui ont couru à son secours : le général à la retraite Hocine Benhadid qui s’est attaqué au chef de l’état-major, Aboud Hichem qui a descendu en flammes Saïd Bouteflika et le Dr Chafik Mesbah qui a tenté de blanchir le DRS, allant jusqu’à lui trouver une volonté d’instaurer une société démocratique. Parallèlement, le DRS a maintenu la pression sur le chef de l’État au sujet d’un éventuel soutien pour un 4emandat. Ce qui a fait que, miracle à l’algérienne, les affrontements ont cessé et, quelque temps après, Bouteflika a annoncé sa candidature à sa propre succession ». A la question si la candidature du président de la République pour sa propre succession à l’occasion du scrutin présidentiel du 17 avril a été le résultat d’un consensus au sommet de l’État, Malti soutient que « la fracture au sein de l’armée est profonde et le cessez-le-feu n’est que temporaire. Ma conviction est que les affrontements vont reprendre à l’occasion notamment de la désignation du vice-président, après l’amendement de la Constitution ». Comme il prédit que « l’alternative tout aussi détestable qui nous attend est que les deux clans s’entendent sur un partage du pouvoir et de la rente afin de faire perdurer le système en place depuis 1962. Il faut espérer que ce qui nous attend ne sera pas une nouvelle guerre civile. Car, de mon point de vue, un affrontement entre les deux clans de l’armée présenterait les prémices d’une situation à la libyenne ou à la syrienne ». Revenant sur l’éventualité d’un 4e mandat de Bouteflika, Hocine Malti affirme que « pour le moment, avec le 4emandat, l’Algérie est repartie pour une nouvelle période de glaciation à la Brejnev ; période qui, pour 4 ou 5 ans, selon la volonté divine, sera dirigée par un homme incapable de parler, incapable de se mouvoir, incapable de voyager, incapable de participer à des forums internationaux ».

Abordant le dossier de la corruption notamment sa lettre d’interpellation de Toufik au sujet de l’affaire Sonatrach II, il soutient que « la justice algérienne n’a pas avancé d’un iota. Si les Italiens et les Canadiens n’avaient pas dévoilé en 2013 certaines magouilles et cité des personnes, dont notamment Chakib Khelil et Farid Bedjaoui, on n’en aurait rien su. Je suis convaincu qu’il n’y a rien à attendre de la justice algérienne qui va s’arranger pour étouffer toutes ces affaires d’une manière ou d’une autre ». Pour lui la raison de cet état de fait  est qu’ »autrefois, c’était le général Larbi Belkheïr qui était le parrain en chef pour tous ces gros contrats, pour les très grosses commissions. Aujourd’hui, c’est Saïd Bouteflika qui est le chef d’orchestre de la grande corruption ».*Par Mourad Arbani | 09/04/2014-Algerie1.com et Liberté

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**Qui pourrait croire celà ?

L’ancien vice-président de la Sonatrach, et auteur de « Histoire secrète du pétrole algérien », reconverti depuis quelques années en « stratège » du renseignement, vient de remettre une couche à son long réquisitoire contre le Département du renseignement et de la sécurité (DRS).

Dans l’entretien qu’il a accordé à Liberté depuis Montréal, Malti a tenté par une analyse approximative voire tendancieuse de lier les réaménagements apportés dans la hiérarchie du DRS notamment le rattachement de certaines directions à l’état-major de l’armée nationale populaire (ANP), aux services américains et Britanniques. Rien que cela !

Tous les algériens savaient déjà que nous dépendons de l’étranger y compris dans le contenu de nos assiettes. Ils savent aussi que beaucoup de firmes des pays occidentaux bénéficient des contrats juteux moyennant quelques dividendes politiques pour le régime. Mais ils ne savent pas que même nos services exécutent les ordres de leurs homologues américains Britanniques.

Assurément, Hocine Malti est allé trop loin cette fois, aussi loin que le Canada où il débite sa littérature. Dans sa volonté de se venger (de qui d’ailleurs ?) cet ancien pétrolier s’est explosé de manière désagréable au risque de mettre la sécurité nationale en danger. Que doit penser un algérien basique en apprenant ainsi que les commandement des services secrets de son pays est décidé ailleurs ? Pire encore au niveau de la CIA et du MI6 ?

DRS ? C’est la CIA et le MI6 !

C’est une bombe que vient de lâcher Hocine Malti non pas uniquement contre les services de son pays mais également contre le pays tout court. Soutenir sans aucune preuve que le limogeage de plusieurs généraux réputés proches du général de corps d’armée Mohamed Mediène dit Toufik, patron du DRS ait été « dicté par les services américains et britanniques qui ont voulu un tel nettoyage dans les rangs de l’armée » est d’une gravité extrême.

Qui pourra croire que la CIA et le MI6 avaient cette « prérogative » de « nettoyer dans les rangs de l’armée algérienne ? ». Hallucinant ! Même dans les républiques bannières, il n’est pas évident d’entrer aussi facilement dans la « surface de réparation ». Malti suggère ainsi que l’armée et le président Bouteflika ont vendu le pays… Il ne manquerait alors plus qu’à inviter publiquement les USA et le Royaume Uni à venir s’installer chez nous puisque ils décident même des généraux à remplacer ou limoger. Tout de même…

En service « pour la vente » ?

Hocine Malti ne nous dit cependant pas pourquoi l’armée algérienne et le DRS censés obéir au doigt et l’oeil d’après lui, aux américains et britanniques, n’ont pas écouté leurs ordres quand il s’était agit de donner l’assaut contre le groupe terroriste à Tiguentourine. Autre question : Hocine Malti qui conseille beaucoup de multinationales spécialisées dans l’exploitation des hydrocarbures, n’a curieusement pas cité les services français. Mystère… A moins qu’il ne s’agisse précisément d’un « conseil » à qui de droit, à savoir qu’il faille fermer les vannes aux firmes américano-britanniques et les ouvrir à d’autres où notre consultant opère…

Hocine Malti en VRP ?

Possible compte tenu de son « job ». Mais, il faut reconnaître qu’il a dépassé les bornes par dessus tout ce qu’on pourrait penser de ce DRS. Son propos est une grave incitation à la violence. « La fracture au sein de l’armée est profonde et le cessez-le-feu n’est que temporaire. Ma conviction est que les affrontements vont reprendre à l’occasion notamment de la désignation du vice-président, après l’amendement de la Constitution », a-t-il dit. Pire encore, l’ingénieur pétrolier estime dans sa vision apocalyptique, qu’un « un affrontement entre les deux clans de l’armée présenterait les prémices d’une situation à la libyenne ou à la syrienne « . Waoo ! « Allah Yehdik » ya Si Hocine…! *Par Rafik Benasseur | 09/04/2014-Algerie1.com

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«C’est le système qui est candidat»

«C’est un véritable hold-up de la souveraineté populaire»

Dans cet entretien, Maâmar Benguerba, ancien député et ancien ministre des Affaires sociales et du Travail du gouvernement de Ahmed Benbitour, s’exprime sur le contexte politique dans lequel se tient l’élection du 17 avril. Pour ce fin observateur de la vie nationale, qui a prévu bien avant tout le monde les soubresauts qui agitent les régions du sud du pays du fait de leur marginalisation par les politiques publiques de développement, la candidature de Bouteflika n’est que la partie apparente de l’iceberg. «C’est le système qui est candidat», affirme-t-il.

-La candidature de Bouteflika pour un 4e mandat divise la classe politique et l’opinion publique. Selon vous, l’équation politique est-elle bien ou mal posée ? Le sort de Bouteflika est-il dialectiquement lié à celui du système en place ?

**Il faut se souvenir que sa cooptation par les décideurs, en 1999, ne faisait déjà pas l’unanimité. J’étais parmi ceux qui la contestaient en soutenant une autre candidature. Néanmoins, de larges couches de la population s’y étaient ralliées. Subjuguées par la rhétorique, les ambitions et les promesses. L’énergique accroissement du prix du pétrole dans les années qui suivirent a contribué à la valider, avec une mise en œuvre boulimique de projets publics. Avec le temps, beaucoup de gens se sont ravisés. Les résultats escomptés n’ont pas été au rendez-vous. Les affaires de corruption, la gabegie des finances publiques, l’incompétence des responsables, la multiplication des problèmes sociaux et l’usure du pouvoir ont amplifié la désaffection.

Aujourd’hui, il est soutenu essentiellement par ceux qui tirent des profits personnels de sa mandature ou qui redoutent, pour une raison ou une autre, son départ. Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question, je vous rappelle que le Président est le produit d’un système qui fonctionne selon des règles claniques. Imaginer qu’il peut entreprendre, comme il est dit ça et là par ses partisans, des initiatives antinomiques à la pérennisation du système est totalement exclu. C’est d’ailleurs le système lui-même qui est candidat puisque Bouteflika n’est que la partie apparente de celui qui aurait à diriger effectivement le pays après l’élection. Son identité n’est connue que par un groupe très limité au sein du système. C’est un véritable hold-up de la souveraineté populaire qui est programmé avec cette candidature.

-Des personnalités politiques en vue, à l’instar de l’ancien président Liamine Zeroual, ou des anciens chefs de gouvernement (Hamrouche ou Ghozali) sont intervenues dans le débat électoral. Quelle lecture politique en faites-vous ?

**Au risque de schématiser à l’extrême les interventions des éminentes personnalités que vous citez, je dirais qu’elles présentent deux aspects. Le premier a trait au constat unanime qu’elles font de l’Etat et des sombres perspectives qui s’offrent au pays. Le niveau des responsabilités assumées leurs permettent de connaître les différents et d’estimer le rapport des forces à l’intérieur du cœur du système de pouvoir. Leur évaluation est, à mon avis, extrêmement précieuse. Elle nourrit une effrayante inquiétude quant à l’avenir.  Pour le deuxième aspect, j’ai perçu, paradoxalement, une divergence fondamentale quant aux recommandations.

Le président Zeroual affiche une préférence pour la poursuite du processus électoral, et donc privilégie un arbitrage populaire pour solutionner les différends existant à l’intérieur du système et éviter les dérapages suicidaires qui pourraient surgir. Il témoigne d’une confiance en le citoyen. Par contre, pour Mouloud Hamrouche et Sid Ahmed Ghozali, l’élection est insignifiante et quasiment déjà pliée. Le premier propose clairement au système de s’autodétruire en indiquant le moyen d’y parvenir ; quant au second, il se situe dans le cadre d’une négociation entre un pouvoir régénéré et des forces sur le terrain impuissantes. Sincèrement, je ne vois pas le président fraîchement reconduit se prévalant d’une nouvelle onction populaire, se rallier à l’une ou à l’autre de ces deux propositions. Les deux personnalités paraissent, objectivement, envisager une prolongation de la durée de vie du système de pouvoir.

Des voix se sont élevées, dont celle de l’ancien général à la retraite Mohamed Tahar Yala, appelant à l’interruption du processus électoral pour barrer la route à l’aventurisme politique du 4e mandat de Bouteflika et sortir de l’impasse politique dans laquelle le pays se trouve.
Il faut rendre l’interruption du processus électoral inopérante. Il faut empêcher la poursuite de la politique de désarmement de la souveraineté populaire, de désertification économique du pays, de délitement du système éducatif et d’approfondissement de la fracture sociale et territoriale. Le 4e mandat sollicité ne relève pas de l’aventurisme politique, il procède d’un choix de société rejeté intuitivement par une majorité de la population. Il a des partisans.

La société est victime d’une dépolitisation menée depuis longtemps par le système. Une série de lois, de règlements, de manipulations et d’agissements ont étouffé les prises de conscience et la contestation globale. La conséquence est stupéfiante puisque même des leaders politiques, en dehors du pouvoir, doutent des aptitudes et des capacités de la société à s’organiser et à se défendre. C’est «la» et «le» politique qui ont été bannis de l’espace national. Au métier noble s’est substitué la magouille, la corruption et autres maux innommables. Le résultat est qu’à un mouvement conscient, organisé et structuré se substituent des jacqueries et des émeutes récurrentes, parfois destructrices de biens publics et privés. Je pense que nous n’avons pas encore compris la gravité que le vivre-ensemble devient de plus en plus, dans des parties du territoire de plus en plus nombreuses, impossible. Le pays s’émiette progressivement. Il se désarticule lentement. En silence.

-L’élection du 17 avril va se tenir dans un contexte politique particulièrement tendu : surenchère verbale, actions de protestation de rue, violence et dégradation de biens publics, répression policière, meetings du candidat Bouteflika chahutés, déchaînement sur la Toile… La situation inspire-t-elle de l’inquiétude ou tout cela ne serait-il que mise en scène pour tenter de donner quelque crédit à ce scrutin, comme le laissent entendre certains ?

**Toute élection de ce niveau connaît des dépassements. Ils sont plus ou moins graves. Plus ou moins nombreux. Que certains faits soient plus amplifiés que d’autres, cela relève de parti pris de ceux qui rapportent l’événement. Mais en gros et jusqu’à présent, la campagne électorale se déroule correctement sur ce plan. Par contre, je pense que le rôle joué par les télévisions satellitaires privées, en faisant la promotion d’un seul candidat, entache gravement la sincérité du scrutin. Ce seul fait pourrait fonder les autres compétiteurs à demander l’annulation du résultat. Les médias publics, qui ne sont pas en reste dans ce dérapage, arguent des cahiers des charges qui les régissent. Les agents de l’Etat qui se sont mis volontairement au service du candidat du système doivent s’expliquer. Là aussi, les instances habilitées devraient intervenir pour mettre un terme aux abus de détournement de biens publics.

-Les partisans de Bouteflika agitent le spectre de la stabilité promu en tant que thème central de la campagne de leur candidat pour capter l’électorat. Y a-t-il réellement péril en la demeure ?

**D’abord, de quelle stabilité il s’agit ? Et au profit de qui ? Les énormes dépenses publiques pour acheter la paix sociale représentent une hypothèque de l’avenir des jeunes générations. C’est le volcan de demain. Les sommes dépensées contribuent aussi à enrichir une couche sociale dont le système pense pouvoir faire son socle de légitimation populaire. Mais comme elle est mouvante et fragile, elle est elle-même mise en danger par une ouverture économique débridée.

Elle ne peut pas accumuler au-delà d’un certain seuil. Elle se dressera contre ce frein à son essor. Est-ce qu’il y a, comme vous dites, péril en la demeure ? Sûrement. Quel que soit le responsable de demain, il aura à gérer des situations aggravées par la baisse des ressources financières. Il devra constamment arbitrer entre la maintenance d’infrastructures, réalisées parfois en dépit du bon sens, et la promotion d’autres qui se révèleront indispensables. L’emploi et l’équilibre régional représentent les défis majeurs à relever. Ce ne sont pas les compétences qui ont exercé pendant les 15 dernières années qui pourront les relever. D’autant que la nature de l’évolution du monde et sa vitesse exigeant la vigueur physique, la vivacité intellectuelle, une énorme capacité de travail et de synthèse et le pragmatisme dans l’appréciation des situations régionales et internationales.

-Comment voyez-vous le rôle de l’armée dans cette période délicate que traverse le pays ?

**L’armée se tient en dehors des jeux politiques. Elle assure et garantit les conditions d’exercice de la volonté populaire sous tous ses aspects. Les dernières déclarations du chef d’état-major sont, sur ce plan, rassurantes. Il n’y a aucune raison de douter. Elle est l’ultime recours de la nation. Par exemple si le scrutin est faussé, avant même sa tenue, par l’usage de pratiques qui ne satisfont pas à l’égalité totale des chances des protagonistes engagés.Et si, en cas de contestation des résultats, l’appareil judiciaire ne tranche pas en faveur de la volonté populaire telle qu’exprimée dans les urnes, le recours sera alors l’armée. Elle devra alors prendre ses responsabilités pour faire respecter cette volonté. Sinon, c’est la rue qui pourrait en décider. Elle devra protéger la nation contre une confiscation des moyens de l’Etat par une clique. Elle devra, ensuite, organiser à une date rapprochée, qui n’excéderait pas 6 mois, une autre consultation électorale pour élire le futur chef de l’Etat. Mais souhaitons qu’un tel scénario sera évité. Et que la sagesse l’emportera.

-L’idée de la nécessité de la mise en place de la deuxième République par le truchement d’une période de transition politique rencontre de plus en plus d’adeptes dans la classe politique…

**Qui décidera des acteurs ? Qui doit piloter les travaux ? Va-t-on retrouver le fameux turn round du dialogue national des années 1990 avec des personnalités dites nationales fabriquées par le système ? Qui se souvient de ces fameuses personnalités censées avoir représenté l’opinion nationale ? Que représentent les partis politiques sans le filtre d’élections pour évaluer leur poids ? Comment établir la représentation régionale et territoriale ? A mon avis, autant le terme est alléchant, autant la mise en œuvre efficace d’une telle initiative est délicate, voire impossible à mener sans susciter des contestations de toutes parts. Des querelles de toutes natures remettraient en cause le consensus dégagé lui-même. Il faut d’abord donner la parole au peuple.

Le pays est pressé par le temps. Il faut aller vite pour le remettre sur les rails. Il reste peu de moyens pour redresser la barre. Le langage de la vérité doit imprégner le discours politique. Ce dernier doit retrouver impérativement la crédibilité indispensable. Il doit s’affranchir des agendas des uns et des autres pour fixer un cap au pays. Je pense que le prochain scrutin représente une précieuse opportunité pour vaincre le système de pouvoir et placer la société au centre de l’arène politique. Evincer le système-candidat au profit du candidat indépendant le mieux placé, de façon pacifique, par la seule volonté populaire, en une journée, représentera dans les annales politiques du pays une date majeure pour le destin de notre peuple.

Ce ne sera pas la fête préconisée par les partisans du système et comparée impudemment à celle de l’indépendance, mais celle d’un pays qui renaît. Celle d’un peuple qui reprend pleinement en main son destin. Celle d’une jeunesse avide d’inscrire sa trajectoire dans le monde d’aujourd’hui. Un scrutin qui signifiera que toutes les fonctions électives seront désormais sous le contrôle populaire. Un choc salvateur.

-Comment voyez-vous le ciel de l’Algérie au lendemain du 17 avril ?

**Je reste optimiste. Je pense que la classe politique se hissera au niveau des espérances de son peuple pour lui épargner les souffrances d’un changement brutal et dans le chaos. Ou encore un changement fragile, par des combinaisons bancales. Le prochain scrutin représente une opportunité de changement qui lui permettra de cultiver une ambition qu’autorise son histoire et en particulier son impressionnante lutte de Libération. Les sacrifices consentis par notre peuple méritent bien un renoncement à d’éventuels egos, même légitimes.

-La visite à Alger du secrétaire d’Etat américain, John Kerry, a été diversement commentée. Que faut-il retenir de cette visite en pleine campagne électorale ?

**A mon avis, c’est une visite ordinaire qu’a effectuée le secrétaire d’Etat américain dans le cadre de son job. D’ailleurs, il l’a prolongée en se rendant dans le pays voisin.**Omar Berbiche-El Watan-10.04.2014

 

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**L’après-17 avril 2014, enjeu de la guerre des clans

Pour certains, les deux clans qui s’affrontent représentent les deux faces d’une seule pièce et finiront par se neutraliser Pour d’autres, cette guerre vise le dernier rempart qui fait obstacle au quatrième mandat. Dans les deux cas, l’enjeu de cette confrontation est l’après-17 avril, parce qu’il sera question de l’avenir politique des uns et la survie des autres.

Au fur et à mesure que l’échéance du 17 avril approche, la guerre des clans fait rage et donne une piètre image des institutions de l’Etat. Si pour certains, le résultat ne sera que bénéfique pour l’Algérie, en espérant que les deux clans qui s’affrontent finiront par se neutraliser et quitter le pouvoir, pour d’autres, le pire est à craindre parce qu’au centre de cette lutte, il y a un enjeu considérable lié à l’avenir des intérêts des uns après la Présidentielle.

Pour comprendre les dernières décisions de mise à la retraite d’officiers supérieurs du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), il faudra revenir au mouvement opéré dans les rangs du Département, en décembre 2011, lorsque le patron du DRS, le général Toufik, avait procédé à des changements au sein des structures qu’il chapeaute. «Rappelez-vous, il avait fait appel au général Athmane Tartag, dit Bachir, pour remplacer le général Abdelkader Kherfi, plus connu sous le nom d’Ahmed, relevé de son poste et envoyé à la retraite, qui dirigeait la Direction de la sécurité intérieure (DSI). Tartag était connu comme étant le protégé de Toufik, tout comme d’ailleurs le général Mhenna Djebar, auquel il a confié en 2005 la Direction centrale de la sécurité de l’armée (DCSA), qui dépendait de son département. Jusque-là, toutes les décisions étaient signées par le président de la République.

Les problèmes ont commencé avec les enquêtes économiques ouvertes après la création du service de la police judiciaire dépendant du DRS. Les affaires de corruption que les officiers vont élucider touchent directement les hommes les plus proches du Président. Est-ce que les investigations ciblaient délibérément le clan de l’Ouest ? Le fait est que le cœur même de l’entourage le plus proche de Bouteflika  est éclaboussé avec des preuves accablantes, confirmées  plus tard par le contenu des réponses des nombreuses commissions rogatoires adressées aux tribunaux étrangers et auxquelles personne ne s’attendait. Tayeb Belaïz, alors ministre de la Justice, va tout faire pour que l’ancien ministre de l’Energie ne soit pas inquiété», expliquent nos sources. Pour celles-ci, le général Toufik était à cette époque encore en position de force.

«Son proche collaborateur, le général Mhenna, a même eu le feu vert pour écarter de nombreux officiers, que l’on disait proches du clan de l’Ouest, en les mettant à la retraite, et pour certains avant l’âge, suscitant une colère dans les rangs, mais aussi au cabinet de la Présidence, que chapeaute de loin Saïd Bouteflika, le frère du Président. Les révélations de la justice italienne vont pousser le ministre de la Justice, Mohamed Charfi, alors en disgrâce (auprès du Président) d’aller jusqu’au bout de l’enquête, en annonçant, par le biais du procureur général près la cour d’Alger, le lancement d’un mandat d’arrêt international, contre Chakib Khelil, son épouse et ses deux enfants. Ce qui lui vaudra son poste, peu de temps plus tard, et quelques actes de la procédure se voient ainsi annulés, sur pression de certains milieux, dans le but de rendre le mandat inexécutable, en attendant mieux», révèlent nos interlocuteurs, qui précisent que le départ de Charfi a coïncidé avec celui du général Abdelmalek Guenaïzia en tant que ministre délégué à la Défense, et la suppression de ce poste aux larges prérogatives  pour le remplacer par celui de vice-ministre de la Défense confié au chef d’état-major de l’Armée nationale populaire, le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah.

«Vice-ministre, un cadeau qui fait de l’officier supérieur un fidèle allié du clan présidentiel»

«Pour la première fois dans l’histoire, il y a cumul de deux postes  aux intérêts contradictoires. Un chef d’état-major, censé être sur le terrain, ne peut pas se charger d’une fonction politique de vice-ministre, qui siège en Conseil des ministres. C’est du jamais vu. Gaïd Salah se retrouve ainsi avec de lourdes et très larges prérogatives. Un cadeau qui fait de l’officier supérieur l’allié fidèle du clan présidentiel. Il va être derrière le mouvement de la fin septembre 2013, qui a vu les plus proches de Toufik écartés», souligne-t-on. C’est ainsi, ajoutent nos sources, que le général-major Mhenna a été sommé de céder son poste à la tête de la DCSA au général-major Lakhdar Tirèche, pour revenir à son service d’origine, le DRS, et diriger le bureau d’organisation qui dépend directement du général Toufik. Une nouvelle organisation des services du renseignement est mise en place. En filigrane, elle vise d’abord la dissolution du service de la police judiciaire, créé en 2006 par décret présidentiel, qui menait des enquêtes sur la corruption, mais aussi l’affaiblissement du général Toufik, à travers l’élimination d’un certain nombre de ses hommes de confiance. Ainsi, Bachir Tartag se retrouve une seconde fois sur une voie de garage. Il est démis de son poste à la tête de la DSI pour être remplacé par le général Ali Bendaoud.

«Le clan présidentiel se renforce par Gaïd Salah devenu son allié principal. Dans sa logique d’isoler le dernier rempart qui fait obstacle aux partisans du quatrième mandat, le Conseil supérieur de la fonction militaire a été convoqué pour une réunion extraordinaire le 14 janvier dernier. Cette instance a été créée en février 2006, en vertu d’une ordonnance présidentielle et dont la mission est de gérer la carrière des militaires. Elle est présidée par le chef d’état-major, c’est-à-dire Gaïd Salah, et constituée par le secrétaire général du ministère de la Défense, les chefs des forces aériennes, marines, terrestres, de la défense du territoire, de la Gendarmerie nationale, des six commandants des régions militaires et du patron du DRS. La réunion a eu lieu au siège du ministère de la Défense, au lendemain du départ du Président en France. Le débat a tourné surtout autour de trois généraux du DRS, Djebbar, Chafik (qui s’occupait des enquêtes économiques) Hassen (chargé de la lutte antiterroriste), ainsi du colonel Fawzi, tous mis à la retraite à partir du 1er février, après avoir appliqué l’article 20 de l’ordonnance 06/02 du 28 février 2006 à leur encontre.

Si pour Djebbar, les griefs retenus pour son départ à la retraite, étaient liés à des supposées affaires, pour le général Chafik, les accusations portent sur les procédures relatives aux enquêtes menées par le DRS, notamment celles de l’autoroute et de Sonatrach. En ce qui concerne le général Hassan, le conseil l’a mis à la retraite pour une affaire qui remonte à quelques mois. Il aurait envoyé son unité de lutte contre le terrorisme pour une opération de récupération d’un lot d’armement qui devait être convoyé du nord du Mali vers l’Algérie sans aviser le commandant de Région. Erreur ou pas, la sanction a été d’abord appliquée aux éléments du général Hassan, qui ne rend compte de ses actes qu’à son chef hiérarchique, à savoir le général Toufik. Lors de cette réunion du conseil, cette affaire a été ressortie pour mettre à la retraite le général Hassan à partir du 1er février.

Se sentant lésé par cette décision, le général Hassan a résisté, ce qui lui a valu une poursuite devant le tribunal militaire qui l’a placé sous contrôle judiciaire pour n’avoir pas informé le commandant de Région de la mission de ses éléments au sud du pays», révèlent nos interlocuteurs, qui confirment que «l’administration du centre de repos familial militaire de Sidi Fredj, où réside le général, avait coupé l’électricité et le gaz pour le pousser à déménager. Il a fallu l’intervention du général Toufik pour que l’officier soit maintenu dans sa résidence».

Lors de la réunion du 14 janvier, souligne-t-on, «le général Toufik n’a rien dit. Il a entendu tout le monde et à la fin, il est rentré chez lui. Il n’a pas pris part au déjeuner offert par Gaïd Salah aux membres du Conseil. Ce qui a été considéré comme un affront». Pour nombre de nos interlocuteurs, si le fameux article 20 de l’ordonnance 06/02 de février 2006 devait être appliqué, une grande partie des dirigeants de l’armée serait déjà à la retraite. Cet article définit la limite d’âge et de durée de service des militaires de carrière. Ainsi, l’âge de la retraite obligatoire est de 64 ans et la limite de la durée de service de 42 ans pour les généraux de corps d’armée. La retraite des généraux-majors doit être obligatoire à l’âge de 60 ans après 38 ans de carrière, alors que pour les généraux, elle doit être prise à l’âge de 58 an, après 36 ans de service.

«Tous les commandants de région et les chefs des forces ont dépassé l’âge de la retraite»

Les colonels font valoir leur droit à la retraite à 53 ans après 32 ans de carrière, les lieutenants-colonels à 48 ans après 28 ans de service et les commandants à 45 ans après 25 ans de service. Mais tous les commandants de Région ainsi que les chefs des armées, les généraux-majors ont largement dépassé l’âge de la retraite et à aucun moment le conseil n’a pensé appliquer l’article 20. Bien sûr, Gaïd Salah, qui a dépassé les 70 ans, est couvert par le poste de vice-ministre qu’il cumule avec celui de chef d’état-major. Il sait que s’il venait à mettre en application les dispositions de l’ordonnance, tous les membres du conseil seraient mis à la retraite.

Mais, exception faite pour le général Toufik, ces derniers lui sont tous acquis. Pour l’instant, l’article 20 est utilisé comme arme pour pousser le général Toufik à la retraite. La sortie de Amar Saadani, le secrétaire général du FLN, n’était pas fortuite. Elle fait partie de la logique de revanche du clan présidentiel. Raison pour laquelle, Gaïd Salah, premier responsable de l’armée, dont dépend le DRS, n’a pas voulu répondre aux attaques violentes portées non pas contre la personne du général Toufik, mais contre l’institution qu’il représente. Nos interlocuteurs se disent «convaincus» que les déclarations du patron du FLN «lui ont été murmurées à l’oreille». Une manière de susciter la réaction de celui qui ne veut pas cautionner le quatrième mandat.

D’autres sources se déclarent plutôt optimistes dans la mesure où elles s’attendent à «une neutralisation» des deux clans qui s’affrontent. «Le général Toufik et Bouteflika sont les deux faces d’une même pièce. Ils incarnent le système. S’ils partent tous les deux, ils rendront un grand service au pays. Le général Toufik est en train de payer un choix qu’il a fait il y a 14 ans. Il avait cautionné le départ forcé de bon nombre de ses proches, comme le défunt général Lamari et plusieurs généraux et colonels, dans le but de permettre à Bouteflika d’asseoir son pouvoir. A son tour, il est rattrapé par ce dernier, pour garder le palais d’El Mouradia ou pour le remettre à un candidat qui garantira à sa famille l’immunité.» Même s’ils divergent sur quelques points, les deux avis se rejoignent pour faire de l’après-17 avril le véritable enjeu de cette guerre des clans qui donne une piètre image du pays.**Par Salima Tlemçani-El Watan-.2014

 

Le système de la Françalgérie est sans doute un des secrets les mieux gardés de la ve République. C’est un système complexe dont le cœur est l’argent, celui des « commissions » prélevées par les généraux du « cabinet noir » sur les échanges commerciaux avec l’étranger.

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Depuis 1999, le voile d’opacité recouvrant l’atroce guerre civile qui ensanglante l’Algérie depuis 1992 commence à se déchirer. Après les documentaires de France 2 sur le massacre de Bentalha et de Canal Plus sur l’assassinat du chanteur Matoub Lounès [1][1] J.-B. Rivoire et J.-P. Billault, Bentalha, autopsie..., après les livres de Nesroulah Yous et du lieutenant Habib Souaïdia [2][2] N. Yous, Qui a tué à Bentalha ?, La Découverte, ..., d’autres témoignages ont confirmé, et au-delà, ce qu’attestaient déjà ces documents : la responsabilité écrasante, dans cette tragédie interminable, des hauts responsables de l’armée (dirigée par le général Mohammed Lamari) et des services secrets (le Département de renseignement et de sécurité, DRS, successeur de la Sécurité militaire [3][3] Sur le rôle de la SM, voir l’impressionnant dossier..., dirigé par les généraux Mohamed Médiène, dit « Tewfik », et Smaïl Lamari, dit « Smaïn »). Avec les généraux Larbi Belkheir et Khaled Nezzar, les véritables « parrains », ce sont eux que l’on a appelé les « janviéristes », car ils ont été les organisateurs du coup d’État de janvier 1992.

•La manipulation de la violence islamiste
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Deux de ces témoignages, émanant d’anciens officiers du DRS, ont particulièrement frappé l’opinion. Celui du colonel Mohamed Samraoui, d’abord, qui, lors d’une longue interview à la chaîne arabe El Djazira, le 5 août 2001, a notamment déclaré, détails à l’appui : « Les GIA [Groupes islamistes armés], c’est la création du pouvoir : ils ont tué des officiers, des médecins, des journalistes et beaucoup d’autres. […] L’intérêt des généraux est d’appliquer la politique de la terreur pour casser les revendications légitimes du peuple, celle de partager le pouvoir. » Celui du commandant Hichem Aboud, ensuite : si son livre La mafia des généraux, paru en février 2002, pèche souvent par omission, il n’en contient pas moins de nombreuses révélations qui confirment les nombreux témoignages délivrés depuis 1994 dans la presse occidentale, jusque-là anonymement, par d’anciens membres des forces de sécurité.

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Il explique ainsi, notamment : « Comment ces généraux, qui disent sortir des grandes écoles de guerre françaises et russes, n’arrivent-ils pas en dix ans à éliminer des bandes armées commandées par des tôliers, des marchands de poulets et autres repris de justice ? […] Ce n’est plus un secret pour personne : le terrorisme intégriste est leur produit, leur instrument et leur allié le plus sûr pour maintenir leur domination sur le peuple algérien. La politique de l’infiltration et de la manipulation est l’arme absolue utilisée par les services du général Tewfik. Les groupes terroristes sont créés et dissous au gré des conjonctures et des événements [4][4] H. Aboud, La mafia des généraux, Lattès, 2002, ... […].

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L’intégrisme n’a jamais constitué un ennemi pour la mafia des généraux. Bien au contraire, ils s’en servent pour perpétuer leur pouvoir, perpétrer leurs crimes et réprimer toute opposition à leurs desseins. Que d’assassinats, commis à la faveur de cette ambiance marquée par la violence et le terrorisme, et mis sur le compte des GIA, qui n’est en fait qu’un produit sorti de leurs laboratoires [5][5] Idem, p. 186. […].

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Évidemment, l’énumération des assassinats commis par la mafia des généraux ne peut absoudre les groupes islamiques armés de leurs crimes. Cependant, il est utile de rappeler qu’une fraction de ces groupes est la création des services dirigés par le général-major Tewfik [6][6] Ibid., p. 192. […]. Il faut rappeler que les GIA se distinguent par l’absence d’un commandement unifié. Plusieurs bandes de criminels repris de justice ont pris eux aussi l’étiquette GIA pour perpétrer vols, racket, viols et assassinats. Cependant, les GIA de Djamel Zitouni et de ses successeurs sont, sans le moindre doute, l’œuvre du duo Tewfik-Smaïl [7][7] Ibid., pp. 194-195.. »

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On peut être certain que d’autres témoignages de ce type viendront, à l’avenir, compléter ce tableau, même si les généraux d’Alger ne ménagent aucun effort pour effacer les traces de leurs crimes, notamment en liquidant régulièrement ceux qu’ils ont chargé de les commettre et qui « en savent trop ».

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Dans ce contexte, seuls ceux, désormais très minoritaires, qui ont choisi de se boucher yeux et oreilles peuvent continuer à croire que la tragédie algérienne ne s’explique que par la lutte sans merci, comme on nous le raconte depuis dix ans, entre des « démocrates sincères » et des islamistes « afghans ». D’ailleurs, ces dernières années, les analyses n’avaient pas manqué, expliquant comment la dérive dans la folie sanguinaire du « cabinet noir » algérien s’inscrivait dans une tradition historique de manipulation de la violence [8][8] Voir notamment : L. Addi, « L’armée algérienne confisque....

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On peut comprendre que l’opinion occidentale – et française en particulier –, abusée par une entreprise de désinformation à large échelle (j’y reviendrai), a pu pendant si longtemps rester relativement indifférente au drame à huis clos qui se déroule à deux heures d’avion de Paris. En revanche, cette explication ne tient pas pour les gouvernements français qui se sont succédé dans la période : ceux-ci sont en effet parfaitement informés, par les services de renseignement (DST et DGSE), de la nature réelle de la « sale guerre », de la torture généralisée, des « escadrons de la mort », de l’amnistie de fait accordée aux terroristes par la loi de « concorde civile » (1999), de la misère dans laquelle a été plongée la population, de la corruption qui gangrène le corps social et permet à une infime minorité de s’enrichir scandaleusement. La DGSE dispose de longue date de moyens d’écoute sophistiqués qui lui permettent d’intercepter les communications des forces de sécurité algériennes ; quant à la DST, ses liens « historiques » avec la SM lui ont toujours assuré un excellent niveau d’information sur les actes et les motivations de ses interlocuteurs. Et au-delà, les liens entre responsables politiques et économiques des deux pays sont permanents : il n’est pas exagéré de dire que pour les véritables dirigeants algériens, la capitale de leur pays est Paris, où certains séjournent presque plus souvent qu’à Alger…

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Mais alors, pourquoi le silence de la France, « patrie des droits de l’homme » ? Pourquoi, comme l’indiquait un récent appel d’intellectuels européens et algériens, tout au long de ces années, les autorités françaises et européennes ont-elles « préféré “faire comme si…”. Comme si les gouvernements successifs issus depuis 1992 de coups de force ou d’élections truquées représentaient authentiquement la démocratie algérienne. Comme si la lutte contre les groupes armés islamistes, à quelques “bavures” près, avait été menée avec les armes du droit. Comme si l’économie algérienne était une économie “normale” [9][9] « L’Algérie après le 11 septembre : et les droits de... » ?

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La réponse à cette question n’est pas simple et implique plusieurs niveaux d’explication étroitement imbriqués, que l’on pourrait résumer en cinq actes : complicité historique, cynisme d’État, chantage au terrorisme, agit-prop médiatique, corruption et « rétrocorruption ».

•Complicité historique et cynisme d’État
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Le premier facteur est d’ordre contextuel. Il tient aux liens étroits qui se sont tissés depuis l’indépendance entre les dirigeants algériens et les dirigeants français. À droite, les gaullistes ont su, par-delà les tensions périodiques, entretenir des relations solides avec Alger, sur fond d’intérêts communs bien compris, de l’exploitation des hydrocarbures au front anti-américain sur la scène internationale. Les partis de la gauche officielle (PCF et PS), quant à eux, avaient à se faire pardonner leur attitude durant la guerre de libération, lors de laquelle ils avaient soutenu la violence d’État contre les « moudjahidine », ce qui explique le constat dressé par l’historien (et ancien militant du PSU) Bernard Ravenel, dans un article remarquablement documenté : « Dans la décennie 1971-1981, la gauche française tout entière a donné son soutien acritique au système de pouvoir construit par Boumediene. Ce faisant, elle lui a attribué un surcroît de légitimité. […] En se limitant pour l’essentiel au niveau de relation acritique d’État à État, la gauche française, avec des nuances mais globalement au moins jusqu’en 1988, a légitimé le système de pouvoir algérien. À ce titre, elle a sa part de responsabilité dans les malheurs et les drames d’aujourd’hui [10][10] B. Ravenel, « La gauche française au miroir de l’Algérie.... » Enfin, il ne faut pas oublier les véritables liens d’amitié qui ont pu se nouer, pendant la guerre d’Algérie, entre la minorité de gauche et d’extrême gauche qui apporta courageusement son soutien au FLN, et ses dirigeants de l’époque. Des liens souvent gardés intacts et qui ont pu jouer un rôle important dans le soutien apporté par la France à l’Algérie officielle ces dernières années, et dans l’aveuglement d’une partie de la gauche intellectuelle sur la vraie nature du pouvoir militaire.

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Le deuxième niveau d’explication est celui que l’on peut parfois entendre dans les salons feutrés du Quai d’Orsay : l’Algérie est un fournisseur important de la France et de plusieurs États de l’Union européenne pour le gaz et le pétrole, et il est donc important, pour assurer la sécurité de ces approvisionnements, qu’elle ne soit pas « déstabilisée » par l’islamisme radical. D’autant qu’une telle déstabilisation aurait un « effet domino » sur les deux pays voisins, Maroc et Tunisie, où la « menace islamiste » est également présente. Cette crainte était très forte en 1989-1991, au moment de la montée en puissance du Front islamique de salut (FIS), au point que l’armée française décida en 1991 des manœuvres militaires sur les côtes languedociennes, sur le thème : comment faire face à un afflux de « boat people » algériens chassés par une dictature islamiste ? La version moins euphémisée de cette doctrine, comme le relevait l’appel précité, est la suivante : « Face au “péril vert”, mieux vaut soutenir des militaires notoirement corrompus et sanguinaires (c’est la “doctrine Nixon” : “C’est un fils de pute, mais c’est notre fils de pute”, appliquée au cas du dictateur chilien Pinochet) ». Mais cette explication, si elle joue à l’évidence un rôle, est loin d’être la plus décisive. À elle seule, elle ne saurait en effet justifier un soutien aussi constant et déterminé à l’une des dictatures les plus brutales de ces dernières décennies. D’une certaine façon, il s’agit surtout d’un discours de justification – parfois sincère, parfois franchement cynique – principalement porté par le « deuxième cercle » du pouvoir : celui des « experts », intellectuels et journalistes influents fascinés par la raison d’État.

•Chantage au terrorisme
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Au sein du « premier cercle » des décideurs politiques français, d’autres raisons jouent un rôle plus important. La première est certainement le chantage au terrorisme exercé sur la France par les généraux d’Alger, surtout depuis 1994.

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Rappelons les faits, tels que les évoquait en 1996 Lucile Provost : « Depuis septembre 1993, date à laquelle deux géomètres français avaient été tués dans l’ouest de l’Algérie, les attentats dirigés contre la France n’ont pas cessé. Certains ont été particulièrement spectaculaires comme l’enlèvement de trois fonctionnaires consulaires à Alger en octobre 1993, le meurtre de cinq agents de l’ambassade (dont trois gendarmes) par un commando armé en août 1994, ou le détournement d’un Airbus d’Air France en décembre 1994. Les attentats sur le sol français à l’été et à l’automne 1995 sont ensuite venus nourrir les craintes d’une exportation de la violence. Après une demi-année de relative tranquillité, le rapt puis l’exécution en mai 1996 de sept moines, dans la région de Médéa, suivis de l’assassinat de Monseigneur Pierre Claverie, évêque d’Oran, le 1er août 1996, ont montré encore une fois que ni le régime ni les groupes armés n’avaient renoncé à faire de la France un des enjeux de leur lutte [11][11] L. Provost, « Poursuite de la violence, impasses.... » La plupart de ces crimes ont été attribués aux Groupes islamistes armés. Pourtant, les informations qui ont filtré depuis montrent qu’ils relèvent pour l’essentiel d’une « stratégie de la tension » mise en œuvre par les Services algériens, par islamistes manipulés interposés, pour faire pression sur la France et prévenir toute tentation de sa part de leur retirer son soutien.

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Plusieurs phases peuvent être distinguées. Dans les premières années (1993-1994), le moins qu’on puisse dire est que prévaut une certaine confusion, révélatrice des rapports tordus entretenus de longue date entre Services français et algériens. Il est en effet pratiquement établi que les actions les plus spectaculaires contre la France attribuées aux GIA dans cette période sont le résultat de manipulations, parfois élaborées en commun entre la SM et certaines branches des Services français, dans le but de « conduire les autorités françaises à s’engager résolument aux côtés de l’État algérien dans la logique de répression [12][12] Selon les termes de Jocelyne Césari, chercheuse au... ». Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Charles Pasqua, aurait ainsi joué un rôle clé dans l’affaire du « vrai-faux enlèvement » des trois fonctionnaires du consulat français, Jean-Claude et Michèle Thévenot et Alain Fressier, séquestrés le 24 octobre 1993, puis relâchés, par un commando « islamiste » dirigé par un certain Sid Ahmed Mourad (alias Djaafar el-Afghani) : le récit circonstancié de cet épisode par les journalistes Roger Faligot et Pascal Krop n’a fait l’objet d’aucun démenti [13][13] R. Faligot et P. Krop, DST police secrète, Flammarion,.... Cette affaire a en tout cas été le prétexte de l’« opération chrysanthème » du 4 novembre 1993, vaste rafle conduite par la police dans les milieux islamistes de l’Hexagone. De même, à la suite de l’assassinat de cinq Français le 5 août 1994, dix-sept militants et sympathisants islamistes ont été assignés à résidence à Folembray, dans l’Aisne. Et le 12 août 1994, les GIA exigeaient l’arrêt de « tout appui » de Paris au pouvoir algérien, faute de quoi ils menaçaient de « frapper violemment les intérêts français ». L’affaire de l’Airbus, en décembre de la même année, s’inscrit clairement dans cette séquence et relève plus que probablement d’une autre manipulation du DRS.

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En 1995, on change de registre, car les plus hauts responsables politiques français semblent considérer que les généraux algériens sont allés trop loin. Et ils commencent à mesurer leur soutien. La riposte des « groupes islamistes de l’armée » (comme les appelle la rue algérienne, depuis des années) est brutale : du 25 juillet au 17 octobre, sept attentats à la bombe, à Paris (RER Saint-Michel, place de l’Étoile, boulevard Richard-Lenoir, métro Maison-Blanche, RER Musée d’Orsay) et dans la région lyonnaise, tuent dix personnes et font des dizaines de blessés. Dans cette période, on apprend que l’« émir » des GIA, Djamel Zitouni, a adressé, le 19 août, une lettre au président de la République Jacques Chirac l’invitant « à se convertir à l’Islam pour être sauvé » et que, par un communiqué du 7 octobre, il a menacé la France de nouvelles « frappes militaires ». Les autorités françaises reçoivent ces « messages » cinq sur cinq, comme le reconnaît prudemment, dès juillet 1995, un conseiller du Premier ministre Alain Juppé : « C’est sans aucun doute le travail des islamistes. Mais qui est derrière eux ? Peut-être un clan de la Sécurité militaire algérienne ou du pouvoir qui voudrait nous entraîner comme allié dans leur combat contre le terrorisme [14][14] Cité par C. Angéli et S. Mesnier, Sale temps pour... ? »

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Certains responsables français se poseront cette même question après le martyre des sept moines de Tibhérine en mai 1996. Henri Tincq, le journaliste chargé des questions religieuses au quotidien Le Monde, s’en fera l’écho dans une enquête publiée en juin 1998 : « La version officielle de la responsabilité unique de groupes islamiques armés est mise en doute, aussi bien dans des cercles ecclésiastiques à Rome que par d’anciens officiers de la sécurité algérienne. Selon des témoignages récents, la sécurité avait infiltré les ravisseurs des moines et, parce qu’elle n’aurait pas supporté que les services français entrent eux-mêmes en contact avec les islamistes, l’affaire aurait mal tourné [15][15] H. Tincq, « La sécurité algérienne pourrait être.... »

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Ces doutes, le leader socialiste Lionel Jospin les exprimera plus globalement, en janvier 1997, cinq mois avant sa nomination au poste de Premier ministre. Celui qui est alors le chef de l’opposition de gauche déclare, très lucidement, évoquant le drame algérien : « On continue à hésiter entre le risque de l’indifférence et celui de l’engrenage si on s’exprime trop clairement. Voilà, je crois, les raisons du silence. […] Il n’est pas question d’une capitulation devant des forces qu’on peut à peine identifier, mais nous devons dire que nous ne sommes pas prêts, pour autant, à soutenir le pouvoir algérien quoi qu’il fasse. […] Un gouvernement, qu’il soit de droite ou de gauche en France, peut se demander si certains, ici ou là, ne pourraient pas être tentés de frapper si nous nous exprimions plus nettement. […] On peut certes espérer qu’en ne disant rien on sera moins touché. Mais on peut aussi se dire que, si le conflit ne trouve pas de solution, l’accumulation de ces violences est lourde de conséquences pour le futur. Il faut donc faire des choix [16][16] Interview à Libération, 27/01/1997.… »

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Et pourtant, en septembre 1997, trois mois après son entrée en fonction et quelques jours après les grands massacres de civils à Raïs et Sidi-Youcef, le même Lionel Jospin déclare : « Même si nous ressentons un sentiment d’horreur et de compassion […], avons-nous toujours à nous sentir coupables ? La France n’est plus responsable de ce qui meurtrit l’Algérie aujourd’hui. Au plan officiel, le gouvernement français est contraint dans son expression [souligné par nous]. Prendrait-il des initiatives qu’elles ne seraient pas reçues, nous le savons [17][17] Interview au Monde, 16/09/1997.. » Ce revirement spectaculaire, rarement relevé à l’époque, s’explique très trivialement : dès la constitution du gouvernement de Lionel Jospin en juin 1997, de discrets émissaires de la SM ont expliqué en substance au Quai d’Orsay et à certains responsables français que si le gouvernement français « s’exprimait plus nettement », il leur serait bien difficile d’empêcher que « certains, ici ou là », soient « tentés de frapper ». En termes plus crus, que les « Groupes islamistes de l’armée » pourraient à nouveau porter leur guerre sur le territoire français. Là encore, le message a été reçu. Et le gouvernement a cédé au chantage. Au lieu de mobiliser la puissance de ses services de police pour traquer les islamistes de l’armée présents sur le territoire français (agents directs de la SM ou militants islamistes manipulés), il a déclenché une opération diplomatique d’envergure, en particulier au sein de l’ONU, pour contrer la revendication d’une « commission d’enquête internationale ».

•Agit-prop médiatique
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Car la manifestation du 10 novembre 1997 à Paris, à l’initiative de l’association « Un jour pour l’Algérie » et de nombreuses ONG, a mis en avant le mot d’ordre de commission d’enquête internationale pour la vérité sur les massacres et les violations des droits de l’homme en Algérie, visant aussi bien le terrorisme islamique que le pouvoir. Des milliers de personnes sont descendues dans la rue, et la manifestation a eu un impact considérable. Face à cette initiative, les militaires algériens ont pris peur : si la pression de l’opinion internationale parvenait à imposer une « opération vérité » susceptible de mettre à jour les manipulations de la violence qu’ils exerçaient depuis des années, la base même de leur pouvoir et de leur richesse risquait d’être gravement ébranlée. Ils ont donc déclenché une contre-offensive d’envergure, leurs alliés civils multipliant les contacts avec des personnalités et des intellectuels français [18][18] Voir F. Gèze et S. Mellah, « Crimes contre l’humanité.... C’est dans ce climat que se sont inscrits un meeting à la Mutualité le 20 janvier 1998 et une émission sur la chaîne franco-allemande Arte, le lendemain, qui ont donné l’un et l’autre un large écho aux thèses des courants « éradicateurs » proches du pouvoir.

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Dès la fin 1997, plusieurs dignitaires du régime (dont Ali Haroun, ancien dirigeant de la Fédération de France du FLN) sont venus discrètement à Paris délivrer la bonne parole à quelques personnalités politiques et intellectuelles, surtout de gauche, jugées influentes. Alors même que les tueries redoublaient (plus de mille victimes dans une série de massacres dans l’Ouest du pays), cette démarche était suivie d’un véritable ballet de visites, officielles ou non, de personnalités françaises et européennes en Algérie (dont Claude Cheysson, Yvette Roudy, Francis Wurtz, Jack Lang), qui toutes sont revenues en affirmant les mêmes convictions : « Il est clair que ce sont les islamistes, ces fous de Dieu, qui tuent [19][19] Yvette Roudy, El Watan, 01/03/1998. », et face à eux, « seule la contre-violence est possible [20][20] Claude Cheysson, L’Express, 22/01/1998. ».

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Les philosophes Bernard-Henri Lévy et André Glucksmann, les premiers, ont ramené de leur visite des reportages qui ne passeront pas inaperçus [21][21] B.-H. Lévy, « Choses vues en Algérie », Le Monde, ... – et vaudront à leurs auteurs un hommage empoisonné du « parrain » des « janviéristes », le général Khaled Nezzar (« Ils ont par leur courage fait connaître la vérité », écrira-t-il début février dans El Watan, avant d’assurer « ces hommes de courage et de conviction » de « son plus grand respect » et de sa « plus haute considération [22][22] Cité par J.-P. Tuquoi, « Les succès de communication... »).

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Mais l’offensive n’a pas été que médiatique. Ainsi, Jack Lang, le président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, qui réclamait en novembre 1997 la commission d’enquête internationale (c’était le bon sens, disait alors également Bernard-Henri Lévy), a-t-il déclaré trois mois plus tard, curieusement, le contraire. C’est qu’entre-temps Jack Lang a rencontré à Alger les dignitaires du pouvoir, il a donné des interviews lénifiantes dans la presse locale et il est revenu en France, expliquant que la commission d’enquête était inutile. De même, en février 1998, la préparation d’une délégation de parlementaires européens a fait l’objet d’une bagarre feutrée – mais très vive – entre les représentants des ONG de défense des droits de l’homme et les « éradicateurs » algériens et européens (principalement français et belges). Ces derniers ont reconnu certaines « bavures » du pouvoir, tout en soulignant que l’essentiel était de ne pas déstabiliser l’armée, dernier « rempart » contre l’islamisme. Après la visite, la conclusion du président de la délégation sera sans surprise : les forces de sécurité « ne sont pas impliquées dans les massacres mais constituent une armée mal entraînée et mal équipée pour lutter contre les formes mutantes de terrorisme [23][23] Cité par M. Scotto, « Les députés européens qui se... ». Une complaisance que la journaliste algérienne Salima Ghezali, qui venait justement de recevoir du Parlement européen le prix Sakharov des droits de l’homme, jugera en ces termes : « Ainsi l’Europe continue, sans surprise, à ne pas se définir et, en fait, à soutenir le régime algérien à l’instigation de Paris [24][24] Le Soir de Bruxelles, 14/02/1998.. »

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De fait, dans le même temps, les diplomates français s’activeront discrètement et efficacement dans les couloirs de l’ONU pour torpiller définitivement la revendication d’une commission d’enquête internationale pour connaître les commanditaires des massacres, qu’avait pourtant soutenue James Rubin, le porte-parole du Département d’État américain [25][25] Daily Press Briefing released by the Office of the.... Ce sinistre « succès diplomatique » montrait une nouvelle fois à quel point la France donne le « la » au niveau mondial sur le « dossier algérien » : tout se passe comme si, aux yeux des États démocratiques occidentaux, l’Algérie restait, quarante ans après son indépendance, une « affaire intérieure » française.

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Cette remarquable entreprise de verrouillage a enfin été complétée, en France même, par la liquidation « en douceur » des dizaines de comités de solidarité avec l’Algérie qui s’étaient créés à l’époque. Cette opération a été pilotée par les hommes de la Sécurité militaire présents sur le territoire : des militants « éradicateurs » français et algériens, sans doute pas toujours conscients d’être ainsi manipulés, ont été invités par des relais civils de la SM à rejoindre ces comités qui, sous leur influence, ont progressivement abandonné le mot d’ordre de commission d’enquête internationale – parfois au prix de vifs déchirements – et ont presque tous disparu en quelques mois, dans la confusion et le découragement des militants sincères.

•La SM en France
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Cet épisode illustre un autre élément essentiel du fonctionnement de la « Françalgérie » : la France est sans doute la seule grande démocratie au monde à tolérer sur son sol la présence d’une force policière nombreuse d’un État étranger. La SM dispose en effet en France, en permanence, de plusieurs centaines d’agents et de milliers d’indicateurs. Leur rôle premier est la surveillance serrée de la communauté algérienne immigrée. Dans les années post-indépendance, ils l’assuraient sous le couvert de l’Amicale des Algériens en Europe. Depuis les années quatre-vingt, avec l’enracinement des immigrés dans la société française, cette structure est tombée en déshérence, mais la fonction de surveillance, visant à éviter toute structuration d’une opposition au pouvoir dans l’immigration, est toujours une priorité de la SM. Ses agents sont bien sûrs présents dans les dix-huit consulats, mais ils usent aussi de diverses « couvertures » civiles. Traditionnellement coordonnée par un colonel en poste au consulat de Paris, leur action consiste à repérer les opposants, à neutraliser les plus actifs (par la récupération ou les menaces sur la famille restée au pays), à infiltrer et noyauter tous les regroupements, même les plus anodins (c’est ainsi qu’à l’automne 2001, la « branche française » de la SM a réussi à infiltrer et à faire scissionner l’Association des taxis kabyles de Paris, qui commençait à se mobiliser contre la répression en Kabylie…). Ce contrôle policier explique dans une large mesure la crainte dans laquelle vivent les Algériens de France et leur faible mobilisation face aux horreurs que vivent leurs familles restées au pays, dont ils connaissent pourtant parfaitement les responsables. Depuis le début de la « seconde guerre d’Algérie », la SM en France a également joué un rôle actif pour relayer, auprès de la presse et de la classe politique françaises, les opérations de désinformation concoctées dans les bureaux algérois du service d’action psychologique du DRS, dirigé jusqu’à la fin 2001 par le fameux colonel Hadj Zoubir.


Toutes ces actions sont parfaitement connues des services français de renseignement, et en particulier de la DST, qui entretient de longue date les meilleurs rapports avec la SM (rappelons simplement l’assassinat en plein Paris, le 8 avril 1987, de l’opposant Ali Mécili : arrêté deux mois plus tard par la brigade criminelle, son assassin, Abdelmalek Amellou, sera identifié comme un agent de la SM, commanditaire de l’opération ; Amellou sera pourtant relâché, après intervention à « haut niveau » et pourra regagner Alger sans encombres [26][26] Voir H. Aït-Ahmed, L’Affaire Mécili, La Découverte, ...…).

•Corruption et « rétrocorruption »
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Mais le cœur de ce système complexe de la « Françalgérie » est sans conteste l’argent, celui des « commissions » prélevées par les généraux du « cabinet noir » sur les échanges commerciaux avec l’étranger.

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On le sait, l’économie algérienne est totalement dépendante des exportations de pétrole et de gaz, qui représentent 97 % des exportations (et 60 % des recettes fiscales de l’État). La production nationale de biens de consommation est sinistrée et l’essentiel doit être importé. Depuis les années quatre-vingt, la poignée de généraux qui contrôlent le pouvoir a fait passer à une échelle industrielle le « système des commissions » consistant à prélever à leur profit, par divers mécanismes occultes, 10 % à 15 % de ces flux d’exportation etd’importation [27][27] Voir à ce sujet l’une des très rares études documentées.... Ce que résume sobrement en ces termes l’ancien ministre du Commerce Smaïl Goumeziane : « De l’aveu même du président de la République, le commerce extérieur du pays serait entre les mains de dix à quinze personnes. […] Par ce biais, on estime qu’un milliard et demi à deux milliards de dollars fuient le pays chaque année. En trente ans, ce sont ainsi quelque 30 à 40 milliards de dollars de richesse nationale qui s’en sont allés se loger offshore dans les comptes numérotés de quelques banques internationales vertueuses, ou s’investir hors du pays dans l’hôtellerie, dans l’immobilier ou dans le négoce international [28][28] S. Goumeziane, « Économie algérienne : enjeux et.... »

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Cette corruption est le moteur fondamental de la « sale guerre » que les « décideurs » militaires mènent contre leurs compatriotes : sa fonction première est de briser et d’« éradiquer » tous les germes qui pourraient entraîner le peuple dans une révolution risquant de mettre fin à leurs privilèges et de tarir définitivement les sources de leur fortune. Or, ce « moteur » ne pourrait fonctionner sans complicités en France, premier partenaire commercial de l’Algérie, comme l’a rappelé Lucile Provost : « C’est en premier lieu par rapport à la France, aux firmes françaises, aux intermédiaires qui travaillent avec elles, que le pouvoir algérien organise la mise sous contrôle de l’économie. C’est le plus naturel. Les entreprises françaises sont sur place, les hommes se connaissent. Ce sont donc de véritables réseaux d’influence politico-économiques qui se sont mis en place avec l’ancienne métropole et existent encore aujourd’hui. Les Français ont d’ailleurs bénéficié, comme les Algériens, des retombées de cette économie de la dépendance. Les contrats sur l’Algérie étaient réputés particulièrement rentables, la surfacturation étant couramment de l’ordre de 30 % à 40 %. […] Les liens entre affaires et politique ne se sont jamais démentis, que ce soit à droite ou à gauche [29][29] L. Provost, La Seconde Guerre d’Algérie, Flammarion,.... » Pour dire cela plus brutalement : comme l’a montré l’« affaire Elf » à propos de la Françafrique, il n’est pas concevable que ce système de corruption franco-algérien, fondé sur les commissions, puisse fonctionner depuis plus de vingt ans sans que des « rétrocommissions » venues d’Algérie alimentent les corrupteurs français et les caisses des partis politiques, ainsi encouragés à fermer les yeux. Un système qui, assurément, fonctionne encore en 2002. Malheureusement, il est impossible d’en dire plus, car ce système est sans doute l’un des secrets les mieux gardés de la ve République. Bien sûr, aucune enquête n’a jamais été menée, alors même que les services de renseignement n’ignorent rien des nombreuses propriétés françaises des « janviéristes » et de leurs associés (chaînes de restaurants, hôtels, immeubles, boîtes de nuit, etc.). Et que les bureaux du ministère des Finances connaissent depuis des années les bénéficiaires algériens des commissions versées par les entreprises françaises, puisque celles-ci doivent les déclarer au Trésor pour les déduire de leurs impôts, comme l’a souligné le journaliste belge Baudouin Loos : « La France est l’un des rares pays européens à autoriser le versement de commissions par ses entreprises dans les transactions commerciales internationales [30][30] B. Loos, « L’Europe et l’Algérie », Institut européen.... »

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Le sang de dizaines de milliers d’Algériens a été versé pour que ce système de corruption perdure à l’abri du secret. On comprend donc que ceux qui cherchent à le percer risquent leur vie. L’exemple emblématique en est – rien moins – celui du président Mohammed Boudiaf, assassiné le 29 juin 1992 : il est désormais attesté que les généraux du « cabinet noir », qui l’avaient convaincu de prendre la tête de l’État après le putsch de janvier 1992, ont organisé son assassinat parce qu’il avait décidé d’enquêter en profondeur sur leurs circuits de corruption. Boudiaf avait envoyé à Paris, en juin 1992, cinq officiers de confiance pour obtenir du Premier ministre Pierre Bérégovoy les informations détenues par ses services sur ces circuits et leurs bénéficiaires [31][31] Mouvement algérien des officiers libres (MAOL), «.... Fin de non recevoir. De retour à Alger, les cinq hommes ont été assassinés, bien sûr par des « islamistes »… Quelques jours après, c’était le tour de Boudiaf lui-même. Dix ans plus tard, rien n’a bougé sur ce plan, le secret reste bien gardé. Mais l’Algérie est exsangue, et le « système » est au bout du rouleau, au point que ses protagonistes, après les révélations des livres et des films de 2000-2001, se déchirent (clan Belkheir contre clan Tewfik) au grand jour, non sans relancer les tueries aveugles d’islamistes manipulés pour tenter de donner le change.

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Il est plus que probable, dans ce contexte, que des « traîtres » commencent à « lâcher le morceau » pour se préserver. Et dès lors, on peut parier sans risque que, si la vérité sur la « Françalgérie » éclate, cela deviendra en France un scandale politique majeur, au côté duquel l’« Affaire Elf » fera figure de bluette… Le seul vœu qui puisse être formulé, dans cette perspective, est que cela permette d’engager l’indispensable nettoyage des réseaux de la « Françalgérie », dont les membres français (politiques et hommes d’affaires) ont permis trop longtemps aux généraux d’Alger d’agir impunément. •